Maroc : Aubry prépare le terrain avec les Français du royaume
La première secrétaire du Parti socialiste a porté la parole du candidat François Hollande devant les Français du royaume. Et noué des contacts précieux dans la perspective de l’alternance.
Debout à un pupitre, martelant pendant plus d’une heure son soutien au candidat François Hollande, la première secrétaire du Parti socialiste français, Martine Aubry, s’est livrée au jeu du meeting électoral dès sa première rencontre avec ses compatriotes, le 10 mars, à Casablanca. Devant près de 500 militants et sympathisants réunis dans le théâtre de la Fédération des oeuvres laïques (FOL), Martine Aubry a surtout détaillé les propositions de Hollande et défendu les valeurs de la gauche : égalité, justice sociale, coopération.
Beaucoup de curieux étaient venus tendre l’oreille pour en savoir plus sur des sujets concrets : frais de scolarité, accès aux soins, mariages mixtes, etc. « Nous ne sommes pas à Aubervilliers, nos attentes sont différentes », souligne Othmane, socialiste de coeur, mais qui a voté à droite en 2007 après la promesse de gratuité de l’école. Cinq ans plus tard, la salle semble en phase avec la dénonciation du bilan et des propos du « président sortant ». Chaque attaque contre le « candidat d’en face », ponctuée par le large sourire de l’oratrice, est vivement applaudie. Une fois seulement – elle s’en excusera -, Aubry prononce le nom de Nicolas Sarkozy. « C’est bien, il nous faut prendre de la hauteur et refuser ce débat médiocre », approuve Isabelle.
"Vous ressemblez beaucoup à Ségolène Royal"
Après bain de foule et bises avec les camarades, la star de la journée file se reposer, laissant ses collaborateurs souffler dans un restaurant italien. Une véritable logistique solidaire s’est organisée : des militants des sections de Casablanca et de Rabat et des socialistes marocains gèrent le transport et l’hébergement. La journée a été longue. La première secrétaire du PS avait commencé sa visite par une rencontre avec le chef du gouvernement islamiste. La rencontre, à la fois courtoise et peu protocolaire, se déroule au siège du parti. Abdelilah Benkirane et Martine Aubry abordent la réforme constitutionnelle. Aubry souligne son attachement à la parité. Benkirane acquiesce et assure à son invitée qu’elle était sa favorite lors du congrès de Reims : « Vous ressemblez beaucoup à Ségolène Royal. Vous êtes toutes les deux des femmes. » Et Martine Aubry de rétorquer : « C’est un peu comme si je disais que vous vous ressemblez tous avec vos barbes. » On évoque la sécheresse, qui inquiète le chef du gouvernement. Au final, la patronne des socialistes apprécie ce premier contact avec le nouveau gouvernement, « franc et direct ».
La suite du programme avec les socialistes marocains, aujourd’hui dans l’opposition, est plus familiale. Aux militants de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), Aubry confie son malaise : « Le discours de Dakar et le discours de Grenoble nous ont fait honte. Ce n’étaient pas des discours dignes de la France. » Avant de rencontrer des femmes du monde des affaires ou du secteur associatif.
Halal
L’entrevue avec le roi n’était pas prévue au programme officiel de la visite. Pour éviter d’essuyer un refus fâcheux, les socialistes français n’avaient pas demandé une audience royale. Mohammed VI a donc pris l’initiative d’inviter Martine Aubry dans son palais de Rabat. Ils se sont connus du temps où le jeune prince héritier était stagiaire à la commission Delors. La discussion s’amorce à bâtons rompus. En présence de son conseiller diplomatique, Taïeb Fassi-Fihri, le roi a surtout évoqué la campagne présidentielle. « Je ne comprends pas pourquoi le halal fait débat », s’étonne-t-il, et relève la fixation sur l’immigration. Aubry défend son parti : « Nous ne laisserons pas la droite nous entraîner dans ce débat. » Entretien amical et satisfaction bilatérale.
Dès le lendemain, la première secrétaire donnera tous les gages d’une pleine entente avec Rabat, en cas d’alternance à l’Élysée. Invitée du journal télévisé du soir de 2M, la responsable socialiste qualifie le plan d’autonomie proposé par le Maroc de « solution la plus réaliste » pour résoudre le conflit au Sahara. Quelques jours auparavant, le ministre des Affaires étrangères et européennes, Alain Juppé, avait défendu la même position. Au plus haut niveau de l’État, on peut maintenant attendre sereinement l’issue de la présidentielle française.
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Youssef Aït Akdim, envoyé spécial à Casablanca
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