Accords d’Évian : les raisons du désamour algérien

Daho Djerbal est historien, maître de conférences à l’université Alger-2.

Publié le 26 mars 2012 Lecture : 2 minutes.

Les accords d’Évian ont-ils été, et sont-ils restés, une grande date pour les Algériens ? Même si on ne peut généraliser, la réponse est plutôt négative.

Pour les autorités, tout d’abord, c’est une vieille histoire, d’autant qu’ils ont ensuite donné lieu à des renégociations et à des changements de position. S’ils ont en effet permis une continuité des services publics et une coopération française fort utile à l’indépendance, des événements importants les ont en grande partie remis en question. Dès mars 1963, il y a eu les décrets sur les biens vacants et les récupérations des terres des colons, qui ont été en quelque sorte nationalisés. Puis, après 1965 et l’arrivée au pouvoir de Houari Boumédiène, diverses crises entre les deux pays ont finalement conduit à la nationalisation des ressources du sol et du sous-sol. Il n’est alors plus resté grand-chose d’Évian, sinon des accords consulaires concernant les biens et les personnes.

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Pour la société algérienne, ensuite, Évian est très loin. Trois Algériens sur quatre sont nés après 1962, et il n’y a eu, depuis, quasiment aucune transmission de ce moment de l’Histoire, non seulement pour faire connaître les clauses des accords, mais encore moins sur les conditions dans lesquelles ils ont été signés. Pas très loin de là où j’habite à Alger, juste en face du lycée français, un petit monument pour commémorer le 19 mars 1962, « le jour de la victoire », a été construit dans les années 1990. Il est rapidement devenu « une sorte de dépotoir ». C’est significatif. Pour comprendre cette situation, il faut également rappeler que les accords d’Évian, négociés par les émissaires du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA), n’ont pas mis fin aux hostilités, du fait de l’OAS [Organisation de l’armée secrète, NDLR]. Mais surtout, ils n’ont pas fait l’unanimité du côté algérien.

Néanmoins, cela ne veut pas dire qu’ils auraient pu être négociés autrement, qu’on aurait pu aboutir à autre chose. Non, toutes les archives que l’on peut consulter incitent à penser qu’ils ont surtout été instrumentalisés, qu’ils ont servi d’arme politique dans une lutte pour le pouvoir. Une anecdote résume parfaitement cette confrontation. Lors d’examens universitaires, il y a près d’une dizaine d’années, l’intitulé d’un sujet d’histoire était le suivant : « Les accords d’Évian sont pour certains le couronnement de la révolution et pour d’autres une remise en question de la proclamation de novembre 1954. Commentez. » Ceux qui ont retenu et argumenté la deuxième option ont eu les meilleures notes…

Rien d’étonnant, dans ces conditions, à ce que l’on fête si peu aujourd’hui ce cinquantième anniversaire. Pour ne pas replonger dans la narration des affrontements fratricides de 1962 ? Sans doute. Pour ne pas évoquer, même indirectement, le début d’un divorce entre les autorités du pays et la société qui remonte à cette période ? Probable.

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