Afrique de l’Ouest : la stratégie de la BRVM en débat

La Place ouest-africaine est en effervescence. Le directeur général de la BRVM est sur la sellette. Une nouvelle politique doit être adoptée pour relancer l’institution.

Les locaux de la BRVM à Abidjan. © Thierry Goulegnon/Reuters

Les locaux de la BRVM à Abidjan. © Thierry Goulegnon/Reuters

Publié le 21 mars 2012 Lecture : 4 minutes.

Bourse sous tension. Ce mardi 6 mars, un conseil d’administration extraordinaire a réuni toute la matinée à Dakar la douzaine d’administrateurs de la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM). Au coeur des débats, la mise à plat de la stratégie et l’adoption de nouvelles orientations pour dynamiser la place financière des huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Car un vent de contestation et de réforme souffle pour réveiller la belle endormie installée à Abidjan.

En 2011, les principaux indices de la Bourse ont été en recul. Le BRVM 10 (les dix valeurs les plus actives) a chuté de 13,37 %, et le BRVM composite (la moyenne de toutes les valeurs cotées) de 12,71 %. Les impacts négatifs cumulés du conflit postélectoral ivoirien et de la crise économique mondiale n’expliquent pas tout. « En 1998, lorsque la BRVM a démarré ses activités, elle comptait une trentaine d’entreprises cotées. Aujourd’hui, elles sont 38, c’est dire que l’on peut compter sur le bout des doigts le nombre de sociétés introduites en treize ans d’existence », déplore Gabriel Fal, PDG de la société d’intermédiation CGF Bourse. De fait, la capitalisation du Ghana Stock Exchange, à Accra, est plus de deux fois supérieure à celle de la BRVM. Quant aux épargnants de la Place d’Abidjan, ils ne sont pas plus de 100 000, contre presque 1 million dans le pays voisin.

L’UEMOA veut établir des critères, comme le nombre d’introductions, pour juger l’activité

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Face à cette situation, deux camps s’opposent. Derrière le directeur général de la BRVM, Jean-Paul Gillet, en poste depuis douze ans, se rangent les fidèles de Tiémoko Yadé Coulibaly, l’ancien président du conseil d’administration, remplacé officiellement en mai 2011 par le Sénégalais Amadou Kane. Mais l’équipe qui tient encore les commandes opérationnelles fait de plus en plus figure de camp retranché. Le départ de Gillet est presque acquis. Deux banquiers, un Ivoirien et un Sénégalais, pourraient prendre très prochainement la tête de la BRVM. Parmi les griefs qui sont adressés à l’équipe actuelle : la mauvaise utilisation des bénéfices dégagés par la société d’exploitation de la BRVM, qui s’élèvent en moyenne à 1,5 milliard de F CFA par an (2,3 millions d’euros) depuis cinq ans.

« Les dirigeants ne cherchent qu’à assurer l’équilibre financier et la profitabilité de la société d’exploitation de la BRVM, ils se trompent d’objectifs, regrette un acteur de la Place. Pis ! Au lieu d’investir les bénéfices dans des actions de promotion commerciale et de marketing pour attirer des investisseurs, notamment étrangers, la direction les investit dans l’immobilier, par exemple pour doubler la surface du siège de la Bourse. Cela ne sert à rien ! À l’exception d’Abidjan, toutes les Bourses du monde ont pour priorité d’accroître le nombre d’introductions, le volume des trans­actions et la capitalisation ! »

Retard colossal des francophones

La comparaison est délicate. Sur 17 Bourses des valeurs mobilières au sud du Sahara, seules deux sont situées dans des pays francophones : la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM, à Abidjan) et la Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC, à Libreville). « La capitalisation boursière de la BVMAC est insignifiante, tandis que celle de la BRVM équivaut à 11,5 % du PIB des huit pays de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine, NDLR] », souligne Gabriel Fal, PDG de CGF Bourse. Autant dire que le dynamisme est dans le camp anglophone. Les Bourses de l’île Maurice, du Nigeria, du Kenya et d’Afrique du Sud pèsent respectivement 55,8 %, 28,6 %, 53,7 % et 280,4 % du PIB de ces pays. Une différence de vitalité que les spécialistes mesurent aussi à travers la rotation du capital (la valeur des titres échangés rapportée à la capitalisation boursière) : 4,3 % pour la BRVM en 2011, contre 9,4 % à Port-Louis, 11,2 % à Lagos, 19,8 % à Nairobi et 46,2 % à Johannesburg !

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Ce triple objectif sert de fondement à la stratégie que veulent voir adopter les « rénovateurs ». Outre Amadou Kane, nommé pour conduire l’évolution, le changement de cap de la BRVM a été soufflé et décidé par l’autorité de tutelle de la Place. En novembre, le Conseil des ministres de l’UEMOA a ainsi élaboré les grandes lignes d’un nouveau cahier des charges. Celui-ci doit établir des critères de performances – comme le nombre d’introductions réalisées par an – pour permettre de juger l’activité de la Place. Une nouvelle approche qui doit être affinée lors de la prochaine assemblée générale de la BRVM, en juin.

Loin du compte

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« Il faudrait compter sur une base de cinq introductions par an, dont une majeure comme celle de la Sonatel [de loin la première capitalisation de la BRVM, avec 1 260 milliards de F CFA, NDLR] », indique Gabriel Fal. On est loin du compte, et le calendrier des nouvelles cotations est plutôt flou. En juin, la société de télécoms malienne Sotelma doit rejoindre la cote (lire J.A. no 2669), comme, sans doute, les filiales sénégalaise et malienne de Bank of Africa (groupe BMCE Bank). Des sociétés ivoiriennes, notamment dans la banque et les télécoms, pourraient les suivre dans le cadre du désengagement de l’État.

D’autres avancées destinées à faire de la Bourse d’Abidjan l’égale de ses homologues d’Afrique subsaharienne, avec l’arrivée d’hommes neufs, seront en discussion lors du prochain conseil d’administration de la BRVM, fin avril ou début mai. « Cela ne se fera pas en six mois, mais prendra plusieurs années », avertit un acteur de la BRVM.

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