Présidentielle française : le pays qui n’existe plus
La campagne présidentielle française, côté cour et côté J.A.
Mais que sont-ils encore allés inventer ? Voilà ce qu’on est tenté de penser en découvrant que l’étiquetage de la viande halal est devenu un thème central de la campagne présidentielle française. C’est Marine Le Pen qui, le 18 février, a lancé la polémique en affirmant que « la viande distribuée en Île-de-France est, à l’insu du consommateur, exclusivement halal ». L’étiquetage de la viande selon la méthode d’abattage n’étant pas obligatoire en France, il arrive en effet que certains morceaux halal ou casher se retrouvent dans le circuit classique…
Dans un premier temps, Nicolas Sarkozy a balayé « cette polémique qui n’a pas lieu d’être ». Bruno Le Maire, son ministre de l’Agriculture, a renchéri, estimant que toute cette histoire risquait de déboucher sur « une stigmatisation des communautés et sur un bouleversement du marché de la viande ». Et puis, le président a changé d’avis. Deux fois. Il s’est d’abord déclaré favorable à l’étiquetage de la viande, parce que « chacun a le droit de savoir ce qu’il mange », avant de revenir, le 6 mars sur France 2, à sa position initiale : « débat sans intérêt ». Pourquoi ces volte-face ? Sans doute à cause d’un sondage selon lequel la question de la viande halal serait devenue la première préoccupation des Français. En ces temps de crise, de montée du chômage et de la précarité, on a quand même un peu de mal à y croire.
Mais gardons-nous de tomber dans l’excès inverse. Car loin du Paris « bobo » et des images idylliques d’une France métissée et heureuse de l’être, le halal cristallise les souffrances d’une partie de la population, nostalgique d’un pays qui n’existe plus mais dont elle refuse d’admettre la disparition. Les médias regorgent d’anecdotes de ce type. Telle personne âgée, « française de souche » bien sûr, contrainte de faire plusieurs kilomètres à pied pour acheter sa tranche de jambon ou son andouillette… Tels parents révulsés à l’idée que le halal puisse être imposé dans la cantine ou la crèche de leurs enfants…
Pour la sociologue Martine Cohen, derrière le halal, c’est la question de l’islam qui se pose. « Si la viande casher (dont les méthodes d’abattage sont très proches de celles du halal) ne connaît pas une telle exclusion, c’est parce qu’il est plus facile d’être antimusulman qu’antisémite », estime-t-elle. La présence d’un supposé « halal masqué » sur les étals de nos supermarchés ne serait donc que la métaphore d’une société française effrayée par la lente émergence de l’islam dans l’espace public.
Promptes à surfer sur ces peurs, les droites, plutôt que de s’interroger objectivement, en termes économiques et/ou sanitaires, sur le marché des viandes rituelles, dérapent dans les pires amalgames. Plutôt que de débattre du vivre-ensemble, elles opposent les Français les uns aux autres. Selon un récent sondage, 65 % des Français s’intéressent de moins en moins à cette campagne électorale agressive, confuse et déconnectée des attentes des citoyens. Dieu sait qu’on les comprend !
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