Fukushima, un an après : les écrivains japonais en première ligne
Les écrivains jouent un rôle clé dans le rejet du nucléaire et la contestation de la politique énergétique du gouvernement japonais. Plusieurs d’entre eux participent au Salon du livre, du 16 au 19 mars à Paris.
« Je vis Fukushima
J’aime Fukushima
Je n’abandonne pas Fukushima
Je marche dans Fukushima »
Dans son poème justement intitulé Résolution, le poète Ryôichi Wagô montre à quel point il est attaché à sa ville natale. Depuis l’accident de la centrale de Fukushima-Daiichi qui a suivi le séisme du 11 mars 2011, il est devenu célèbre grâce à ses textes qu’il publie sans cesse pour alerter les Japonais sur la situation dans la région où il vit et rappeler la nécessité de ne pas oublier. « Tout ce que je considérais comme "absolu" s’est écroulé, comme le mythe de la sûreté nucléaire », explique-t-il lorsqu’on l’interroge sur les motivations qui l’ont conduit à sortir de l’anonymat pour faire entendre la voix des gens de Fukushima.
« J’ai peur de l’air, il y a quelque chose dans l’air
J’ai peur, je ne veux pas m’approcher,
L’air montre un visage de colère,
Je ne veux pas ça, c’est quoi ? »
L’inquiétude qui se dégage de ces quelques vers écrits par Ryôichi Wagô le 27 mars 2011 n’a pas disparu. Elle s’est enracinée dans l’esprit de la plupart des Japonais, qui remettent désormais en question le nucléaire qu’ils portaient aux nues il y a encore quelques mois. Selon un sondage publié en décembre 2011 par le Asahi Shimbun, le deuxième quotidien de l’archipel, 57 % des personnes interrogées se disent opposées à cette forme d’énergie, estimant qu’une sortie du nucléaire doit désormais figurer parmi les objectifs gouvernementaux.
Ce thème mobilise la population, qui n’hésite plus à descendre dans la rue pour exprimer son ras-le-bol et exiger des autorités qu’elles prennent enfin le taureau par les cornes. Les Japonais ont ainsi massivement répondu à l’initiative de deux personnalités (toutes deux invitées au prochain Salon du livre de Paris), Kenzaburô Ôe, Prix Nobel de littérature 1994, et Satoshi Kamata, l’un des journalistes indépendants les plus respectés du pays, pour de grands rassemblements mensuels et une vaste campagne destinée à recueillir 10 millions de signatures pour faire pression sur le gouvernement afin qu’il révise sa politique énergétique. En septembre 2011, le premier de ces rassemblements avait réuni 60 000 personnes de tous âges dans les rues de Tokyo.
Pas de remise en question du nucléaire
Malgré la mobilisation populaire, le gouvernement paraît peu disposé à remettre en question le nucléaire et multiplie les annonces destinées à rassurer l’opinion sur la situation à l’intérieur de la centrale de Fukushima-Daiichi. Le 16 décembre 2011, il a déclaré que cette dernière avait atteint l’état d’« arrêt à froid », ce qui signifie que la température à l’intérieur des réacteurs est inférieure à 100 °C et que les émissions radioactives sont désormais sous contrôle.
Mais chacun sait aussi que le démantèlement de la centrale prendra plusieurs décennies. Pour les 100 000 personnes déplacées à la suite de l’explosion et une grande majorité de la population, le manque d’informations concernant la centrale est problématique, et cette opacité alimente leurs doutes.
C’est dans ce contexte que l’écrivain de premier plan Gen’ichirô Takahashi a publié Koisuru genpatsu (« Nucléaire mon amour »), un roman dans lequel il dénonce sans fard la connivence entre le monde politique et l’industrie nucléaire. Devenu un best-seller en quelques semaines, l’ouvrage traduit parfaitement l’ambiance tendue qui règne depuis un an dans l’archipel. Les écrivains, romanciers et poètes, ont choisi de se mettre en première ligne et de dire tout haut ce que les Japonais pensent souvent trop bas pour que les autorités les entendent.
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