Wagner, Patrice Talon et l’art de l’équilibrisme diplomatique
Sur une chaîne télévisée française, le président béninois a jugé le recours au groupe paramilitaire russe « pas condamnable sur le principe », mais problématique dans certains cas…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 7 mars 2023 Lecture : 2 minutes.
Les Africains qui brandissent des portraits de Vladimir Poutine ont beau jeu de parler d’« obsession » de Wagner. Le groupe paramilitaire dirigé par Evgueni Prigojine, très proche du président russe, est un bon client des tops tweets. Et particulièrement dans l’actualité africaine, même dans les pays côtiers encore relativement épargnés par la menace jihadiste. Après le Ghanéen Nana Akufo-Addo, qui affirmait, en décembre, que Wagner était présent au Burkina Faso, c’était au Béninois Patrice Talon d’évoquer le groupe paramilitaire, ce dimanche, sur la chaîne française d’information continue LCI.
« En même temps »
Le président du Bénin, déjà très « start-up nation » dans son style, mériterait une certification dans la discipline macronienne du « en même temps ». Selon lui, « la notion de faire appel à un prestataire privé militaire […] n’est pas condamnable sur le principe » – les États-Unis y ont eu recours en Afghanistan – et, en même temps, contracter avec Wagner serait « condamnable », pour peu que la prestation desdits mercenaires ne soit pas « purement sécuritaire ».
Le propos qui semblait d’abord vouloir ménager les « envies de Wagner » se mue en procès d’intention, Patrice Talon évoquant d’éventuelles « exactions » en faveur de régimes africains. Des propos au conditionnel qui font tout de même écho aux rapports américains qui accusent le groupe Wagner de « commettre des violations des droits humains et d’extorquer les ressources naturelles en Afrique ».
Realpolitik ? Appliqué aux relations avec l’État russe, le « en même temps » du président béninois se décline au fil des mois. À l’occasion du premier anniversaire de l’agression de l’Ukraine, le Bénin votait, avec 140 autre pays, la résolution exigeant le retrait « immédiat » des troupes russes. Et c’est du Bénin que le président français Emmanuel Macron qualifiait, en juillet dernier, la Russie de « l’une des dernières puissances impériales coloniales ». Plus nuancé, sur LCI, Talon évoque une « guerre malheureuse », tout en éludant la question « Est-ce que la cause est juste ? »
Équilibrisme
« En même temps » que Talon se désole de l’agression de l’Ukraine, les relations bilatérales entre la République du Bénin et la Fédération de Russie évoquent toujours « une nouvelle dynamique de coopération » et des projets d’ouverture de « programmes russes de formation à l’université d’Abomey-Calavi ».
Et l’équilibriste chef de l’État béninois, sur LCI ce dimanche, d’évoquer – en même temps – « beaucoup de fantasmes » sur les relations entre la France et les pays africains et – en même temps – la grande inspiration que lui procure la Chine, en matière d’« effort sur soi » et de « bonne gouvernance ». Personne ne « mangera son piment dans la bouche » de Patrice Talon…
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