Éric de Rosny, jésuite… et homme-souche

L’auteur des « Yeux de ma chèvre », célèbre ouvrage décryptant les rites des guérisseurs dualas, au Cameroun, est décédé le 2 mars.

Eric de Rosny (à d.) reçoit son doctorat honoris causa de l’université de Neufchâtel en Suisse. © D.R

Eric de Rosny (à d.) reçoit son doctorat honoris causa de l’université de Neufchâtel en Suisse. © D.R

ProfilAuteur_ChristopheLeBec

Publié le 12 mars 2012 Lecture : 2 minutes.

Éric de Rosny aura passé ses cinquante-cinq dernières années entre le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Toute sa vie, le religieux français, qui s’est éteint le 2 mars à Lyon, a voulu comprendre les pratiques des guérisseurs africains. « Il est arrivé à Douala en 1957. Une époque où, au sein de l’Église catholique, les traditions africaines étaient souvent rejetées en bloc et faisaient peur. Il a voulu les vivre de l’intérieur pour distinguer ce qu’il y avait de bon en elles », explique le jésuite Alfonso Ruiz, qui a vécu ces six dernières années avec lui, à Yaoundé.

Issu d’une famille aristocrate et parisienne, pas formé à l’anthropologie mais doté d’une grande curiosité, Éric de Rosny a été le premier Européen initié aux traditions des Dualas – un peuple de l’ouest du Cameroun dont il parlait la langue et qui l’avait accepté en son sein. Au point qu’il était lui-même devenu un ngambi, un membre de la confrérie des « hommes-souche », avant d’être admis au conseil des sages. Excellent pédagogue, il a raconté les étapes de son initiation dans Les Yeux de ma chèvre (Plon, 1981), puis dans La Nuit, les yeux ouverts (Seuil, 1996). Deux récits anthropologiques qui l’ont fait connaître et qui ont éclairé de nombreux non-initiés, y compris africains.

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Éric de Rosny aura mis en évidence la fonction sociale souvent positive des guérisseurs. « Leur rôle est de rappeler l’existence du mal et de le contrôler », disait-il. Ces dernières années, il s’intéressait particulièrement à la médecine traditionnelle, dirigeant les travaux de chercheurs de l’Université catholique d’Afrique centrale sur ce sujet. « C’était un homme de Dieu ouvert, qui n’a pas hésité à aller à des frontières délicates. Sa connaissance et son amour de notre culture lui ont permis d’accompagner spirituellement de nombreux Camerounais marqués par ces traditions », indique Eugène Goussikindey, le provincial des jésuites d’Afrique de l’Ouest. La jeune génération salue aussi ses travaux. « Il a montré que le rationalisme occidental n’était pas la seule voie de compréhension du monde. Que nous pouvions être des chrétiens fiers de notre africanité », conclut le jésuite camerounais Alain-Michel Tang. 

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