Libye : vent de révolte à l’Est

L’annonce unilatérale de l’autonomie de la Cyrénaïque, qui concentre l’essentiel des ressources pétrolières libyennes, pourrait remettre le pays sur la voie du fédéralisme. Mais certains redoutent déjà une partition.

Ahmed Zubaïr Al-Senoussi le 6 mars à Benghazi. © Abdullah Doma/AFP

Ahmed Zubaïr Al-Senoussi le 6 mars à Benghazi. © Abdullah Doma/AFP

Publié le 14 mars 2012 Lecture : 2 minutes.

Chez les facebookeurs libyens, une affiche fait le buzz. À côté du monumental phare italien qui domine la ville, une large accroche : « Je suis de Benghazi, et la soi-disant conférence de Brega ne me représente pas ». C’est la réponse des réseaux sociaux à la déclaration unilatérale d’autonomie de la Cyrénaïque lancée à Benghazi, le 6 mars, par des chefs de tribus et de milices locales. Couvrant presque la moitié du territoire libyen, cette région s’étend de la côte orientale aux frontières du Tchad et du Soudan, et de l’Égypte limitrophe jusqu’au centre du pays. C’est dans cette province, où sont concentrés les gisements d’hydrocarbures ainsi que les terminaux vitaux pour les exportations de pétrole et de gaz, qu’avait commencé le soulèvement contre Mouammar Kadhafi, en février 2011.

Aspirations fédéralistes

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Or, un an jour pour jour après la création du Conseil national de transition (CNT), le poids de la Cyrénaïque et son influence politique restent un sujet de profond mécontentement pour ses habitants. Sous Kadhafi, le centre de gravité de la Libye a toujours penché vers la Tripolitaine, la région côtière s’étendant de la frontière tunisienne à Syrte, d’où était originaire le « Guide ». À son accession au pouvoir, en 1969, Kadhafi avait mis fin aux aspirations fédéralistes d’une partie des élites monarchistes qui n’avaient accepté le pouvoir du roi Idriss (de 1951 à 1969) qu’en contrepartie d’une large autonomie régionale. Tripoli devenu capitale unique de la Jamahiriya, Benghazi ressassait le souvenir de sa gloire perdue.

Sous Kadhafi, Tripoli était privilégié. Et Benghazi ressassait le souvenir de sa gloire perdue…

L’annonce des chefs de l’Est témoigne de la renaissance des aspirations fédéralistes et de la faiblesse du CNT, incapable de fixer un plan de transition convaincant à quelques mois de l’élection d’une Assemblée constituante. Les milices de la Tripolitaine (surtout celles de Zintan, qui contrôlent l’aéroport international de Tripoli et maintiennent au secret Seif el-Islam Kadhafi) ont réussi à imposer leur loi et l’idée qu’il faut taper du poing sur la table. En réaction, la conférence de Brega s’est choisi pour chef Ahmed Zubaïr al-Senoussi, jusque-là membre du CNT chargé du sort des détenus, célèbre pour avoir été prisonnier politique sous Kadhafi trente et un ans durant (il a reçu le prix Sakharov en 2011).

Levée de boucliers

Et s’ils ont pris soin de ne pas se présenter comme des séparatistes, les instigateurs de la déclaration d’autonomie ont tout de même essuyé une levée de boucliers. Le soir du 6 mars, Mustapha Abdeljalil, le président du CNT, a dénoncé un « complot de l’étranger », imputable à certains « pays voisins » qu’il n’a pas nommés, et a menacé de recourir à la force. De son côté, le grand mufti Sadeq al-Gharyani, de plus en plus influent, a mis en garde contre les risques de partition, qui « mène inévitablement à la discorde et ouvre la voie à des conflits, notamment sur les ressources naturelles ».

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