Entre hits et scandales, Tenor, le rappeur camerounais devenu incontournable

De Douala à Abidjan, de Libreville à Bamako, le rappeur camerounais est devenu le symbole de la culture afro-urbaine. Et quelques scandales n’empêchent l’artiste d’être l’un des chanteurs les plus en vue du continent.

L’artiste camerounais Tenor. © HTS PICTURE

Franck Foute © Franck Foute

Publié le 14 avril 2023 Lecture : 5 minutes.

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Le Cameroun dans l’expectative

Une classe politique qui peine à se renouveler, des affaires qui bouleversent la société tout entière, une croissance honorable mais en deçà de l’énorme potentiel du pays… À l’heure où Paul Biya amorce la seconde moitié de son septième septennat, peut-on encore attente un déclic ?

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Son lieu de résidence, il l’a choisi pour sa discrétion. Mais lorsqu’il nous reçoit dans son appartement cossu de la banlieue est de Yaoundé, Tenor accepte de se livrer sans filtre. Argot « kamer » aux lèvres, le musicien revient sur sa jeune carrière, sur ses succès qui, en quelques années, l’ont propulsé au sommet du classement « des artistes qui marchent » ; il parle de ce style, unique, devenu sa marque de fabrique, et même des incontournables revers qui accompagnent la gloire.

Des studios de fortune au succès

À 24 ans, Tenor s’impose comme la figure majeure de la musique urbaine camerounaise, dont il est devenu l’un des ambassadeurs les plus efficaces. Auteur-compositeur-interprète, l’artiste se distingue par sa polyvalence, passant du rap aux rythmes traditionnels avec une aisance déconcertante. « Je n’ai jamais voulu être défini musicalement, explique-t-il. C’est vrai, ma base c’est le rap, mais je préfère être un touche-à-tout. » Sa discographie est là pour l’illustrer : une longue liste de titres, dont de nombreux tubes, aux sonorités très variées.

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Pourtant, Tenor l’assure, à aucun moment il n’a imaginé rencontrer un tel succès, lorsqu’il s’exerçait encore dans les studios de fortune d’Édéa, la ville de la région du Littoral où il a passé une partie de son enfance. Jonglant entre les heures de cours et les plages de loisir, tout juste espérait-il ardemment « la reconnaissance de [son] talent ». À ce moment de sa vie, la musique est surtout l’exutoire qui lui permet d’oublier les vicissitudes d’un quotidien souvent difficile.

« Do le dab »… avec Chantal Biya

Sa carrière musicale se dessine assez rapidement. Megoumou Thierry, dit Tenor, a 18 ans lorsque son titre « Do le dab » devient un hit dans tout le Cameroun. Cette chanson le propulse sur le devant de la scène. Le succès devient viral l’année suivante, à la faveur de la prestation qu’il donne lors de la cérémonie des Canal 2’Or 2017, à Yaoundé, au cours de laquelle la première dame, Chantal Biya, se prête au jeu et exécute un dab, ce geste popularisé par le footballeur Paul Pogba.

Les titres qui suivent rencontrent un accueil tout aussi enthousiaste du public. « Kaba Ngondo », « Bad Things » ou encore « Déranger » – en collaboration avec la chanteuse de Bikutsi Mani Bella -, le propulsent encore un peu plus sous les feux de la rampe. L’énergie qu’il dégage lors de ses prestations attirent les labels, qui se bousculent pour le signer. C’est Universal Music Africa, alors en pleine croissance sur le continent, qui remporte la mise en novembre 2017, organisant une cérémonie pour annoncer l’heureux évènement.

L’héritier de DJ Arafat

Avec ce label, Tenor rejoint la cour des grands. S’ouvrent alors à lui les portes du marché ouest-africain et des collaborations avec des artistes de renom. Parmi eux, l’Ivoirien DJ Arafat, alors au sommet de son art. Son featuring avec Tenor, « Chicoter les tympans » en est la plus parfaite illustration : plus de 1 million de vues sur les plateformes de téléchargement en quelques jours. C’est le début d’un duo de choc, mais qui ne durera pas longtemps.

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Lorsqu’Arafat meurt dans un accident de moto, en août 2019, le public de la star du coupé-décalé désigne Tenor comme son héritier. Le rappeur camerounais s’installe alors sur le trône de la musique urbaine d’Afrique francophone. « Je n’ai pas les mots pour décrire ce que DJ Arafat a apporté dans ma carrière et dans ma vie », confie-t-il, peinant à contenir son émotion en évoquant celui qu’il appelait son « père ». Mais il refuse d’être vu comme un clone de la légende ivoirienne : « Je suis et je reste le Tenor du monde entier. Et cela ne m’empêchera pas de toujours rendre hommage à Arafat. »

Accident tragique

Tenor poursuit une carrière sans remous. En 2020, il fonde son propre label (Ebanflang En Pire) et rejoint la jeune maison de production Def Jam Africa. L’année suivante, il sort un nouvel EP, Terre mère.

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Les récompenses et les concerts s’enchaînent… Jusqu’à ce jeudi 15 juillet 2021 fatidique. Au petit matin, à la sortie d’un club de Douala, l’artiste perd le contrôle de sa voiture et percute violemment un terre-plein. Il en ressort inconscient, l’avant-bras fracturé. Le sort des deux passagers du véhicule est plus tragique : l’un – le chauffeur de la Mercedes de location – est admis en soins intensifs dans un état critique ; l’autre, une étudiante de 19 ans, meurt sur le coup.

Inculpé d’homicide involontaire, Tenor sera placé en détention pendant près de deux mois. Il partage sa cellule avec Ondoa Nkou, l’ex-directeur général adjoint de la Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et le crédit (Bicec), emprisonné pour détournement de fonds. Pendant plusieurs semaines, l’artiste fait l’objet d’un intense lynchage sur les réseaux sociaux camerounais. Au tribunal, il plaide coupable. Mais la famille de la victime n’a pas été informée de la tenue de l’audience au cours de laquelle il fait cette déclaration. Elle soupçonne alors le juge de collusion, et décide de le récuser. Au bout de deux ans, l’affaire n’a plus jamais été enrôlée.

Ce drame le marque profondément. « Il est difficile de parler de cette affaire car quoique je dirais, quelle que soit la douleur que je peux ressentir, certains ne prendront même pas la peine de m’écouter et se hâteront de porter des jugements », reconnaît Tenor qui évoque un épisode « qui continue de le terrifier ». La justice a-t-elle été influencée comme le prétendent les proches de l’étudiante ? Sa proximité avec la famille du directeur du cabinet civil, Oswald Baboke, alimente tous les fantasmes.

Showman exubérant, jeune homme discret

Toujours est-il qu’après avoir bénéficié d’une remise en liberté provisoire en septembre 2021, l’artiste entreprend de relancer la machine à tubes et à spectacles. Depuis, il a écumé une cinquantaine de scènes à travers la planète. Un œil toujours rivé sur son rêve : celui de se produire sur la scène de Bercy, à Paris.

Showman exubérant sur scène, jeune homme discret et effacé à la ville – où il profite au maximum de « moments de qualité » avec sa fille : telles sont les deux facettes qu’affiche Tenor aujourd’hui. Qui conclut par une leçon qu’il dit tirer de sa dernière relation amoureuse (avec la comédienne ivoirienne Eunice Zunon), « la vie est belle, il faut en profiter »… Profiter est d’ailleurs son dernier titre, sorti en 2022. Ainsi parle Tenor, le ton tonique et grave.

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