Sécurité alimentaire : le match contre la faim continue
Sécurité alimentaire : le paradoxe africain
Nous, footballeurs africains, vivons en Europe, mais nous avons nos racines, nos familles et une grande partie de nos amis en Afrique. Nous conservons la nostalgie de nos pays du Sahel où les gens sont si chaleureux, si généreux. Et grâce au football, nous sommes devenus des ambassadeurs de ce continent, de ses valeurs et de ses cultures, et nous nous efforçons de donner une image positive des pays d’où nous venons.
Malheureusement, cette année encore, notre région est menacée par la faim. Alors que nous restons hantés par les images bouleversantes de la Corne de l’Afrique en 2011, c’est le Sahel qui risque maintenant de connaître une crise alimentaire particulièrement grave si rien n’est fait.
Dans une année dite normale, environ 300 000 enfants meurent de malnutrition au Sahel. Avec la crise qui s’installe, plus de 1 million d’enfants âgés de moins de 5 ans y sont menacés de malnutrition aiguë sévère, selon l’Unicef, c’est-à-dire en danger de mort à plus ou moins long terme. Mais tout le monde est touché. Selon les dernières estimations, ce sont quelque 12 millions de personnes qui risquent de souffrir gravement de la faim chez nous cette année. De la Mauritanie au Tchad en passant par le Mali, le Burkina Faso, le Niger mais aussi certaines régions du Sénégal et de la Gambie, l’absence de pluie ou la hausse du prix des denrées (comme le mil et le maïs, qui ont augmenté de plus de 70 % par endroits) empêchent les populations de manger à leur faim. Celles-ci ont commencé à se déplacer et les éleveurs sont à la recherche de nouveaux pâturages pour leur bétail.
Au sortir de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui a donné au monde entier l’image positive d’un continent réuni, rayonnant, jeune, nous ne pouvons pas rester insensibles à la situation humanitaire de l’Afrique. L’alimentation est un droit fondamental.
Depuis novembre 2011, les États sahéliens, les ONG comme Oxfam, le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies ont tiré la sonnette d’alarme pour alerter la communauté internationale sur le drame en préparation. Tout le monde semble s’accorder sur le besoin urgent d’une solution coordonnée. Dans un élan de solidarité, nos équipes nationales, celles du Burkina Faso, du Mali, du Sénégal mais aussi du Niger, se sont engagées – avec Oxfam – à sonner elles aussi l’alerte durant la CAN. La Coupe a pris fin le 12 février, mais le match contre la faim continue.
On ne pourra pas dire "nous ne savions pas". Il faut agir aujourd’hui.
Nous ne devons et ne pouvons pas attendre que la crise atteigne un point de non-retour pour compter les victimes et mobiliser une aide d’urgence, alors qu’il suffirait d’aider les populations en amont pendant les périodes de sécheresse. Selon la Commission européenne, 700 millions d’euros seront nécessaires au cours des six prochains mois pour enrayer cette crise. Un tiers semble déjà avoir été mobilisé ; c’est encourageant, mais il y a encore un gros effort à faire, tous ensemble, en équipe.
Nous lançons donc un appel aux dirigeants, aux artistes, aux sportifs, aux célébrités d’Afrique, pour qu’ils donnent l’exemple, avec nous, en aidant les pays du Sahel et les organisations humanitaires sur le terrain à trouver les ressources financières nécessaires pour protéger les populations et sauver les vies de nos parents, de nos amis. Il ne peut y avoir d’excuses. On ne pourra pas dire « nous ne savions pas », car tous les indicateurs sont vraiment inquiétants. Il faut agir aujourd’hui.
Au-delà de l’urgence, nous appelons respectueusement les États africains et les bailleurs à investir davantage dans l’agriculture et la circulation des vivres au sein du continent pour atténuer les effets de la sécheresse sur les populations et gagner définitivement le match contre la faim.
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Moumouni Dagano, Demba Ba, Seydo Keita, Idrissa Laouali
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