Niger : un plan du gouvernement contre la crise alimentaire
Alors qu’une nouvelle période de soudure difficile se profile, le gouvernement nigérien veut voir plus loin et prévenir d’autres crises. Il a lancé un plan de 1,5 milliard d’euros sur cinq ans.
Le Niger a beau être habitué aux crises alimentaires, il avait rarement fait face à une telle conjonction de coups durs. Après la crise libyenne, qui a forcé ses expatriés à revenir au pays et tari leurs transferts de fonds, la rébellion touarègue chez le voisin malien a poussé des dizaines de milliers de réfugiés vers son territoire.
Qui plus est, les importations en provenance du Nigeria (son principal fournisseur) sont entravées par l’augmentation des coûts du transport et la fermeture de certains points de la frontière après les attentats des islamistes de Boko Haram. Surtout, il y a cette terrible sécheresse qui a provoqué un déficit céréalier de près de 700 000 tonnes, soit un cinquième des besoins nationaux. Tous les éléments sont réunis pour faire revenir le spectre de la famine de 2005. Pourtant, pour l’instant, les mêmes scènes ne se sont pas reproduites.
Anticipation
Certes, il reste encore la longue période de soudure à passer avant la prochaine récolte, mais les observateurs ne s’affolent pas. « Nous sommes assez calmes, parce que, cette année, l’alerte a été donnée en avance par le gouvernement, ce qui a permis aux partenaires de s’organiser », explique Olivier Lefay, chargé des questions de sécurité alimentaire pour l’Union européenne à Niamey.
En effet, dès le mois d’août dernier, le président, Mahamadou Issoufou, a tiré la sonnette d’alarme. La récolte n’était pas encore terminée mais la faiblesse des précipitations augurait déjà un sérieux risque, dans un pays où plus de 70 % des surfaces cultivées dépendent de la pluviométrie. Une attitude radicalement différente de celle de l’ancien président Tandja, dont le refus de reconnaître des situations d’urgence avait empêché à plusieurs reprises de déployer l’aide internationale en amont. « Nous avons une approche totalement différente, explique un conseiller d’Issoufou. Nous considérons les ONG comme des partenaires et nous n’hésitons pas à faire du lobbying auprès des bailleurs de fonds. »
Il est encore trop tôt pour affirmer que le gouvernement a géré cette crise au mieux. Mais il voit déjà plus loin. Car en cinquante ans d’indépendance, le Niger s’est retrouvé en déficit de production une année sur deux. Pour briser ce cycle, Niamey lance l’initiative 3N (« les Nigériens nourrissent les Nigériens »), dont l’un des axes principaux est la réduction de la dépendance aux conditions climatiques. Ce projet évalué à 1 000 milliards de F CFA (1,5 milliard d’euros) sur cinq ans met donc l’accent sur l’irrigation, la récupération des eaux de pluie et l’utilisation d’intrants.
Un spécialiste de l’irrigation en première ligne
Pour coordonner l’initiative 3N (« les Nigériens nourrissent les Nigériens »), Mahamadou Issoufou a nommé Amadou Allahoury Diallo, un agronome de 57 ans, à la tête du haut-commissariat créé en octobre. Ce spécialiste de l’irrigation et de la sécurité alimentaire a été formé au Niger, au Burkina Faso et en France. Ancien haut fonctionnaire, il a travaillé en tant qu’expert pour le Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (Nepad), à Johannesburg, de 2007 à 2009, puis comme consultant permanent au bureau régional de l’agence onusienne pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) à Accra. Il est l’un des concepteurs du volet sécurité alimentaire du programme du candidat Issoufou, dont il était conseiller spécial pendant les premiers mois de son mandat. P.B.
« Par exemple, dans la région des Dallols, il y a de l’eau souterraine à seulement 3 à 7 m de profondeur. En finançant les forages et les pompes, nous pouvons irriguer », explique Amadou Allahoury Diallo, haut-commissaire à l’initiative 3N (lire encadré). La réalisation du barrage de Kandadji devrait permettre l’irrigation de dizaines de milliers d’hectares. En attendant, 100 milliards de F CFA ont été débloqués pour des programmes d’urgence. « C’est un peu la répétition générale avant le lancement de l’initiative 3N », indique Amadou Allahoury Diallo. Celle-ci sera-t-elle concluante ? Réponse à la prochaine récolte.
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