Côte d’Ivoire : jours tranquilles à Odienné pour Simone Gbagbo
Les consignes sont claires. Placée en résidence surveillée dans le nord de la Côte d’Ivoire, Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président ivoirien, doit être bien traitée.
La dernière fois qu’on l’avait vue, elle était apparue hagarde et débraillée. Certaines de ses tresses avaient été arrachées. C’était le 11 avril dernier, quelques minutes seulement après son arrestation. Depuis, Simone Gbagbo, 63 ans, s’est coupé les cheveux à ras. Le 18 août, la justice ivoirienne l’a inculpée pour « crimes économiques », mais l’épouse de l’ancien chef de l’État n’a pas été formellement écrouée : elle demeure en résidence surveillée à Odienné, ville natale de la mère de Alassane Dramane Ouattara, qui a remplacé Laurent Gbagbo à la présidence [lire ici : Laurent Gbagbo à la CPI, la vie derrière les barreaux].
Traitement digne
Ses avocats en conviennent, « [leur] cliente a des conditions de détention plus humaines que celles qu’a connues son époux lorsqu’il était encore à Korhogo » – selon les mots de l’un de ses défenseurs, Serge Gbougnon. Elle souffre de diabète et de douleurs au dos, souvenirs de coups qu’elle a reçus après avoir été arrêtée en 1992, mais la villa où elle est hébergée, dans le quartier Hêrêmankono, est réputée confortable. Elle appartenait à Issouf Koné, ancien grand chancelier rallié à Ouattara. « Le chef de l’État et le Premier ministre [devenu entre-temps président de l’Assemblée nationale, NDLR], Guillaume Soro, ont été très clairs, confie un proche du dossier. Simone Gbagbo doit être traitée dignement. »
Là, elle a été confiée à la garde du commandant Lanciné Konaté, chef de la sécurité de la ville. C’est lui qui filtre les visites : celles de ses avocats, des représentants des Nations unies, celles aussi de la petite équipe qui s’est constituée sur place pour rendre son quotidien plus agréable. Il y a là le préfet Jérôme Kayaha Soro, l’évêque Antoine Koné et l’adjoint au maire Adama Cissé. Il y a deux de ses soeurs également, Victoire Ehivet Mady et Claudine Ehivet Ouattara, qui parcourent régulièrement les 800 km qui séparent Odienné d’Abidjan pour apporter à Simone Gbagbo des vêtements et des vivres supplémentaires.
La bible et le FPI
Ainsi s’écoule le quotidien de l’ancienne première dame. Souleymane Bakayoko, secrétaire général de la mairie, joue le rôle d’intendant et s’enquiert des besoins de son hôte. Pas de téléphone – encore qu’un de ses gardes lui en a récemment prêté un pour qu’elle puisse s’entretenir avec Miaka Ouretto, le président par intérim du Front populaire ivoirien (FPI) -, mais une Bible et une télévision sur laquelle elle suit les programmes des chaînes chrétiennes. Toujours très pieuse, Simone Gbagbo est persuadée que bientôt sonnera l’heure de la délivrance. Elle n’a jamais pu s’entretenir avec son époux ni même voir ses quatre filles (dont les deux qu’elle a eues avec Laurent Gbagbo) exilées au Ghana depuis des mois. Elle n’a pas non plus parlé à Marie-Antoinette Singleton, son aînée, installée aux États-Unis.
Pour tromper l’ennui, elle apprend à lire et à écrire à certains de ses geôliers et à leurs enfants. Parfois, elle passe derrière les fourneaux, mais ce qui la préoccupe vraiment, dit-elle à ses proches, c’est l’avenir du FPI, ce parti dont elle fut longtemps l’un des piliers. Pourrait-elle, comme son époux, être transférée à La Haye ? Alassane Ouattara a assuré que non, mais les juges de la CPI n’ont pas renoncé à s’intéresser à elle.
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