Égypte : Suzanne Moubarak, visiteuse de prison
Issue de la bourgeoisie égyptienne, Suzanne Moubarak est une femme du monde. Cette fille de médecin, aujourd’hui recluse au Caire, était une dame d’influence et d’argent. Une mère, aussi, qui aura tout fait pour soutenir son fils Gamal dans un rêve dynastique.
Il fut un temps où les ministres lui baisaient la main. Elle était la première dame d’Égypte. Mais depuis la révolution, Suzanne Moubarak vit en recluse dans une villa de la banlieue du Caire. Terminé les dîners de gala et les conférences internationales. Désormais, elle partage son temps entre l’hôpital où on a installé son mari et la prison où sont détenus ses fils, Alaa et Gamal. Selon l’avocat de la famille, l’ex-première dame vit des 12 000 euros de pension mensuelle de son mari, et les frais médicaux de ce dernier sont payés par les autorités. Seul membre du clan Moubarak à jouir de sa liberté, elle avait été relâchée en mai après avoir rendu à l’État sa villa du quartier huppé d’Héliopolis et 24 millions de livres (près de 3 millions d’euros) d’avoirs. Une décision très critiquée, puisque la fortune familiale s’élèverait à plusieurs milliards d’euros.
Aujourd’hui, Suzanne Moubarak fait l’objet des rumeurs les plus folles : elle s’apprêterait à publier une autobiographie révélant notamment qu’elle se sentait « reine d’Égypte » – information démentie par la maison d’édition britannique évoquée -, elle ferait partie d’une conspiration contre-révolutionnaire orchestrant des troubles. Après le match de football qui a fait 77 morts à Port-Saïd, le candidat à la présidentielle Selim al-Awa a ainsi réclamé son assignation à résidence.
Rien ne laissait prévoir un tel destin pour cette fille d’un médecin égyptien et d’une infirmière galloise. Suzanne Thabet a grandi à Héliopolis, après sa naissance en 1941 à Minya (moyenne Égypte). À 17 ans, elle a épousé Mohamed Hosni Moubarak, pilote dans l’armée de l’air. Quand il devint vice-président d’Anouar al-Sadate en 1975, elle a entrepris des études à la prestigieuse Université américaine du Caire, où elle a obtenu une licence en sciences politiques et un master en sociologie. « C’était une étudiante au niveau moyen mais qui travaillait dur, se souvient Saad el-Din Ibrahim, son professeur de sociologie. Elle portait son nom de jeune fille. Pendant un an, je n’ai pas su qui elle était. »
L’image de l’Arabe moderne
Lorsque son mari accéda à la présidence, en 1981, Suzanne Moubarak était prête à assumer ses responsabilités. Pour l’Occident, cette femme au brushing impeccable, toujours élégante dans ses tailleurs à la coupe classique, a incarné l’Arabe moderne, qui ne porte pas le voile et parle un anglais irréprochable. Elle s’est investie dans la défense des droits de la femme, a multiplié les initiatives en faveur de l’éducation et de l’alphabétisation, à l’instar du programme La lecture pour tous, lancé en 1991. Mais elle ne s’en est pas tenue là. Si Suzanne est aussi détestée, elle le doit à son implication dans la vie politique. La première dame aurait profité de la santé déclinante du président pour étendre son influence, encourageant l’ascension de son fils Gamal.
Suzanne Moubarak, la bio-express
28 février 1941 : Naissance de Suzanne Thabet à Minya
1958 : Mariage avec Mohamed Hosni Moubarak, pilote dans l’armée de l’air. Le couple aura deux fils, Alaa et Gamal
13 octobre 1981 : Hosni Moubarak devient président
11 février 2011 : Moubarak quiite le pouvoir Mai 2011 Placée en détention préventive le 13, l’ex-première dame fait un malaise cardiaque. Elle est libérée le 17 après avoir rendu à l’Etat sa villa et près de 3 millions d’euros d’avoirs
Pourtant, lors de leurs dix premières années au pouvoir, les Moubarak « ont vécu de manière modeste. Ils étaient travailleurs et impliqués. Ils n’hésitaient pas à demander conseil à leur entourage », affirme Saad el-Din Ibrahim. Mais avec le temps, « ils se sont enfermés dans leur monde, au sein d’une classe sociale coupée des réalités ». En 2008, alors que le harcèlement sexuel commence à devenir un véritable phénomène, la première dame a minimisé l’ampleur du problème. « Madame Moubarak ne marche pas seule dans les rues, sauf lorsqu’elles ont été nettoyées de tout, y compris des humains. […] Elle et sa famille vivent dans une Égypte différente de l’Égypte dans laquelle nous vivons », commentait alors la célèbre blogueuse Zeinobia.
Suzanne a été soudainement rappelée à la réalité le 11 février 2011. Dans son livre, Tahrir : les 18 derniers jours de Hosni Moubarak, publié (en anglais) le 28 janvier, l’ex-directeur de l’information à la télévision égyptienne Abdel-Latif el-Menawy raconte comment elle a vécu la démission de son mari. « Elle était avec ses deux fils, Alaa et Gamal, dans l’hélicoptère qui devait les emmener à Charm el-Cheikh. Mais alors que les pales de l’appareil démarraient, elle est retournée en courant à la villa. Les gardes partis à sa recherche l’ont retrouvée prostrée sur le sol, inconsolable, au milieu de bibelots et d’archives de sa vie passée […]. Elle n’arrêtait pas de répéter : ils [les révolutionnaires] avaient une raison. »
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...