Maroc : touche pas à Mawazine !

L’attaque du ministre islamiste Lahbib Choubani contre le festival Mawazine nourrit l’inquiétude d’une partie de l’opinion marocaine.

Le musicien britannique Elton John lors de l’édition 2010 du festival. © AFP

Le musicien britannique Elton John lors de l’édition 2010 du festival. © AFP

Publié le 12 mars 2012 Lecture : 2 minutes.

« Le temps du parti de l’État est révolu. Il faut également en finir avec le festival de l’État ! » C’est par ces mots durs que Lahbib Choubani, ministre chargé des Relations avec le Parlement et la société civile, a relancé la polémique autour de Mawazine, la plus grande manifestation musicale du Maroc. Dans une interview accordée au quotidien arabophone Akhbar al-Youm, il détaille trois griefs contre le festival : « Il reçoit de l’argent public de manière illégitime, il utilise sans contrepartie les médias publics et il menace la scolarité de nos élèves et de nos étudiants. » Le gouvernement, dirigé par les islamistes du Parti de la justice et du développement (PJD), mène une campagne sur le thème de la morale, mais aucun projet d’interdiction de Mawazine n’est à l’ordre du jour.

La manifestation connaît un succès populaire indéniable (plus de 2,2 millions de spectateurs en 2011) qu’explique l’accès gratuit aux concerts de stars comme Sting, Shakira, B.B. King, Majda Roumi ou Warda. La prochaine édition, du 18 au 26 mai, à Rabat, accueillera entre autres Mariah Carey, Scorpions et Nancy Ajram. Mais depuis des années, les critiques fusent de tous bords. Les acteurs de la culture pointent sa tendance à vampiriser les ressources et des sponsors au détriment d’autres événements, tandis que les islamistes y voient un lieu de débauche. En 2010, Abdelilah Benkirane, qui n’était pas encore chef du gouvernement, dénonçait l’invitation d’Elton John en raison de son homosexualité. Le ministre Choubani, lui, met en avant un souci « de bonne gouvernance et de lutte contre la corruption, loin de toute atteinte aux libertés d’organisation, d’expression ou de pratique artistiques ».

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Art "propre"

Au lendemain de la victoire électorale du PJD, un autre élu avait pourtant fixé les limites de l’art « propre » : « Nous n’acceptons pas que Latifa Ahrar se déshabille sur scène au nom de l’art », avait tonné Najib Boulif, évoquant la pièce de théâtre Capharnaüm, où l’actrice apparaissait en petite tenue. Quelques jours plus tard, Latifa Ahrar avait répondu en arborant au Festival international du film de Marrakech un caftan dévoilant largement ses jambes. Cette confrontation inquiète les initiateurs de la pétition « La culture est libre et doit le rester ». « Il n’est pas question, sous quelque prétexte que ce soit, d’envisager une quelconque restriction de nos espaces de liberté. […] Il n’y a pas et il ne peut y avoir de culture "propre", ni d’art "propre" », martèle l’appel, disponible à l’adresse www.culturelibre.ma.

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