Gabon : Ndong Sima, un Premier ministre qu’on n’attendait pas
Nommé Premier ministre, l’économiste gabonais Ndong Sima est loin d’être un poids lourd en politique. Mais c’est peut-être justement ce qui fait sa force.
Dans la bataille secrète qui s’est livrée pour la primature, Raymond Ndong Sima n’était pas en position de force. Le 27 février, pourtant, au bout de quatorze jours d’attente après la démission réglementaire du gouvernement, il a été nommé Premier ministre. La concurrence nombreuse à laquelle il a dû faire face semblait, mieux que lui, taillée pour le poste. Discret ministre de l’Agriculture dans le gouvernement de son prédécesseur, il n’est pas un poids lourd du sérail. Fang natif d’Oyem (Nord), il n’était même pas sûr d’être pris au sérieux en tant que candidat. Personne ne pouvait en effet prédire avec certitude qu’Ali Bongo Ondimba (ABO) s’écarterait de la règle « géopolitique », vieille de quarante ans, qui réservait à un Fang de l’Estuaire le poste de chef du gouvernement gabonais…
Paradoxalement, les faiblesses de cet économiste de 57 ans ont constitué sa force dans cette bataille. Ainsi, élu pour la première fois député dans son canton de Kyé (Woleu-Ntem) aux législatives du 17 décembre 2011, il est loin d’être un cacique local. Ça tombe bien : échaudé par les querelles de leadership qui ont miné la fin de la présidence d’Omar Bongo Ondimba, son fils ne veut plus entendre parler de fortes têtes au sein du gouvernement. D’ailleurs, les derniers « barons », tels que Paul Toungui (Affaires étrangères), René Ndémezo Obiang (Jeunesse et Sports) ou – dans une moindre mesure – Alexandre Barro Chambrier (Mines), ont été remerciés le 28 février, lors de la formation de l’équipe que devra diriger Ndong Sima.
L’étiquette d’un Fang du Nord
De même, l’étiquette de Fang du Nord aurait pu le disqualifier, tant cette région confirme à chaque scrutin qu’elle vote contre le système… L’opposant et ennemi intime d’ABO, André Mba Obame, et l’activiste poil à gratter du régime, Marc Ona Essangui, notamment, y bénéficient d’une grande popularité. Là encore, face à un électorat hostile, les espoirs de reconquête ont poussé ABO à choisir l’enfant d’Oyem qui, lors de la présidentielle de 2005, a soutenu l’ex-Union gabonaise pour la démocratie et le développement (UGDD), fondée par Zacharie Myboto et absorbée en 2010 par l’Union nationale (UN, dissoute aujourd’hui). Dans tous les cas, il ne pourra compter sur son neveu Désiré Ename, patron du quotidien privé proche de l’opposition Échos du Nord, pour tisser un lien entre le président et les populations du septentrion gabonais.
Sa relative inexpérience politique s’est également transformée en atout. ABO semble avoir choisi de travailler avec de purs produits de la technocratie pour réaliser ses projets d’émergence. Ainsi en est-il de Ndong Sima, titulaire d’un DEA d’économétrie à l’université Paris-IX-Dauphine, qui fut président-directeur général de la Compagnie forestière du Gabon (CFG), directeur général d’Hévégab, patron de la Compagnie d’exploitation du chemin de fer transgabonais… Ainsi en est-il aussi de Magloire Ngambia, nommé au superministère de la Promotion des investissements, des Transports, des Travaux Publics, de l’Habitat, du Tourisme et de l’Aménagement du territoire.
Passion des arts martiaux
Drôle de parcours, donc, pour ce petit dernier d’une fratrie de cinq enfants qui se destinait à une carrière de pilote. Sa mère s’y était opposée, décision sans appel, d’autant que son père, mort trois mois après sa naissance, n’était plus là pour arbitrer. Devenu Premier ministre, il n’est certes pas plus franc-maçon que ses deux derniers prédécesseurs, Paul Biyoghé Mba et Jean Eyéghé Ndong. Mais il partage avec le chef de l’État la passion des arts martiaux. Ceinture noire de karaté, il va lui falloir très vite apprendre à se battre dans le marigot politique gabonais contre des crocodiles toujours prêts à mordre et qui ne lui feront pas de cadeaux.
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...