Maroc – Lamia Tazi : « La préférence nationale est une réaction normale en temps de crise »

Sur fond de polémique avec son rival Laprophan, le laboratoire pharmaceutique marocain Sothema menace de transférer sa production d’insuline en Algérie s’il n’obtient rien des autorités. Interview de sa directrice générale, Lamia Tazi.

Lamaia Tazi, 37 ans, succédera à terme à son père, Omar Tazi, actuel PDG de Sothema. © DR

Lamaia Tazi, 37 ans, succédera à terme à son père, Omar Tazi, actuel PDG de Sothema. © DR

Publié le 13 mars 2012 Lecture : 2 minutes.

L’« affaire de l’insuline » a débuté en juin 2010 après un appel d’offres du ministère marocain de la Santé pour 2,5 millions de flacons d’insuline destinés aux hôpitaux, remporté par Laprophan, avec des produits importés du Danemark. Unique fabricant marocain de ce produit, Sothema a saisi quatre mois plus tard le Conseil de la concurrence, accusant son rival de dumping. Dans son rapport, le Conseil ne tranche pas sur cette question, mais pointe du doigt « un abus de position dominante collective » des deux sociétés, avec « l’adoption d’une ligne de conduite commune de baisse des prix ». L’institution accuse Sothema et Laprophan de casser les prix pour gagner les marchés publics et de se renflouer avec la vente d’insuline aux particuliers à un prix cinq fois plus élevé.

Jeune Afrique : Vous dénoncez le dumping de Novo Nordisk, mais le Conseil de la concurrence ne vous a pas suivi. Pourquoi ?

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Lamia Tazi : Nous dénonçons le fait que le danois Novo Nordisk ait proposé un prix inférieur à notre prix de revient lors de l’appel d’offres de 2010. Le Conseil de la concurrence n’a pas voulu statuer sur ce point, et, depuis, nous tournons en rond. Le risque d’un monopole d’un laboratoire étranger sur la distribution d’insuline au Maroc est bien réel. Aujourd’hui, nous demandons juste une réponse claire.

Le risque de monopole d’un groupe étranger sur la distribution d’insuline est réel.

Le Conseil vous accuse de vendre l’insuline en officine à un tarif cinq fois plus élevé qu’à l’hôpital…

Nous vendons le flacon 85 dir­hams en officine, et Laprophan 196 dirhams ! En outre, il faut déduire de ce prix les 30 % de marge des pharmaciens, les 10 % de marge des grossistes et les frais de promotion dépendant de l’industrie.

Depuis quand songez-vous à transférer votre unité de fabrication d’insuline en Algérie ?

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Ce projet date de 2005, car l’Algérie applique une politique protectionniste. Mais rien n’a encore été décidé. Nous sommes également en discussion avec l’Arabie saoudite.

Le gouvernement a-t-il réagi ?

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Non, c’est un nouveau gouvernement, il prend encore ses marques. Mais le déficit en devises du royaume devrait l’inciter à favoriser la production locale par rapport à l’importation.

Quel investissement représente une unité de production d’insuline ?

À Bouskoura, nous avons investi 270 millions de dirhams [environ 24 millions d’euros, NDLR] dans la construction d’une usine consacrée en partie à l’insuline. Mais si nos chaînes doivent rester à l’arrêt, mieux vaudra les délocaliser.

Comment revendiquer une « préférence nationale » pour l’industrie, alors que le royaume veut ouvrir l’économie ?

C’est une réaction normale en situation de crise. L’Égypte a réservé les deux tiers de son budget insuline à la production locale, l’Algérie contrôle les importations… Même l’Organisation mondiale du commerce est favorable à la préférence nationale pour certains produits stratégiques. Déroger à la protection locale risque de freiner les investisseurs, la création d’emplois et d’accroître le déficit en devises.

Après la création d’une filiale à Dakar, quelles sont vos ambitions africaines ?

L’usine à Dakar a démarré fin 2011 avec la production d’antipaludiques, d’antidiarrhéiques et d’anti-infectieux. Si l’expérience sénégalaise est positive, nous l’étendrons à d’autres pays de la zone de l’UEMOA [Union économique et monétaire ouest-africaine] qui pratique la préférence communautaire, ce qui représente un atout pour nous développer.

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Propos recueillis par Fanny Rey

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