Burkina Faso – Côte d’Ivoire : l’union retrouvée

Anciens et forts, les liens entre le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire ont pâti d’une décennie de crise politique. Depuis le retour au calme et l’arrivée au pouvoir de Ouattara, proche de Compaoré, ils retrouvent leur vigueur.

Réhabiliter la ligne Abidjan-Ouagadougou, un des projets communs entre les deux pays. © Hippolyte Sama pour J.A.

Réhabiliter la ligne Abidjan-Ouagadougou, un des projets communs entre les deux pays. © Hippolyte Sama pour J.A.

Publié le 12 mars 2012 Lecture : 4 minutes.

Burkina Faso : Compaoré face au changement
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Burkina Faso : Compaoré face au changement

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« La crise est derrière nous, explique Patiendé Arthur Kafando, ministre burkinabè de l’Industrie, du Commerce et de l’Artisanat. On a rétabli de solides échanges avec notre voisin ivoirien. La ligne de chemin de fer entre les deux pays fonctionne à plein régime, le transport routier a complètement repris, même si les transporteurs sont encore victimes de tracasseries policières. Nous discutons avec les autorités à Abidjan pour lever ces contraintes et améliorer le réseau routier transfrontalier. »

Une nouvelle ère de coopération s’ouvre. Le 18 novembre, les présidents Blaise Compaoré et Alassane Ouattara ont animé un Conseil des ministres conjoint à Ouagadougou, avec au menu la diplomatie, la sécurité, les infrastructures, les mines, l’énergie, le foncier rural… Les deux États ont passé en revue les acquis et se sont engagés à développer plus encore un partenariat qui date d’avant la colonisation.

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Pays de la cola

À cette époque, les royaumes et chefferies du Sud et du Nord, dont les économies étaient complémentaires, échangeaient déjà nombre de marchandises : cola et autres produits de la forêt contre céréales, cuirs et peaux, ou sel du Sahel. D’où le surnom de « pays de la cola » donné à la Côte d’Ivoire. Ce commerce était alors assuré par des marchands d’origine mandingue, les Dioulas (un nom qui désigne abusivement une ethnie). Au fil des ans, il s’est étendu à bien d’autres marchandises, liant fortement les deux économies. Au début des années 2000, plus de 60 % des exportations de coton transitaient ainsi par le port d’Abidjan.

La partition de la Côte d’Ivoire, en septembre 2002, a obligé les Burkinabè à trouver d’autres voies d’évacuation avant que le commerce reprenne via des corridors sécurisés. Pourtant, malgré la crise politico-militaire qui l’a secoué au cours de la dernière décennie, le pays est resté le premier fournisseur ouest-africain du Burkina Faso, et le commerce bilatéral a connu une croissance importante.

Les exportations burkinabè à destination de la Côte d’Ivoire sont aujourd’hui dominées par le tabac, les animaux vivants, la fibre de coton et les boissons. De 7,6 milliards de F CFA (11,7 millions d’euros) en 2005, elles sont passées à 9,3 milliards en 2010. Les importations ont également connu une forte hausse, passant de 103 milliards de F CFA en 2005 à 162 milliards en 2010. Les produits pétroliers (80 milliards) arrivent largement en tête devant les tabacs (18 milliards), les savons et produits de ménage (7 milliards), puis les engrais (5,5 milliards).

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Cap sur l’intégration régionale

Pays enclavé de l’hinterland, le Burkina Faso cherche à profiter des perspectives du marché régional et coopère avec ses voisins immédiats pour le développement des grands chantiers d’infrastructures. Dans les prochaines années, les autorités burkinabè souhaitent construire avec leurs homologues ivoiriennes l’autoroute Ouagadougou-Yamoussoukro, réhabiliter la ligne de chemin de fer Abidjan-Ouagadougou et la prolonger jusqu’à Niamey, au Niger. Elles souhaitent par ailleurs accroître l’interconnexion au réseau électrique ouest-africain. La création d’un nouvel aéroport international à Donsin, en périphérie de la capitale, est également en projet, de même que la construction d’un port sec multimodal à Ouagadougou (à l’instar de celui de Bobo-Dioulasso), couplé avec la mise en place d’unités de transformation de produits agricoles dans l’espace Korhogo – Sikasso – Bobo-Dioulasso. P.A.

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Migrations

Ce déséquilibre de la balance commerciale est toutefois compensé par le rapatriement de fonds de la diaspora burkinabè. Apparu durant la colonisation – il n’était alors pas volontaire -, le phénomène de migration de nombreux ressortissants de Haute-Volta vers les pays côtiers s’est poursuivi, après la fin du travail forcé, en 1946, sous l’impulsion des planteurs ivoiriens qui avaient besoin d’une main-d’oeuvre bon marché. Les planteurs burkinabè se sont d’abord installés à l’est avant de migrer vers la nouvelle boucle du cacao, à l’ouest du pays, où le domaine forestier est le plus dense. Certains y sont installés depuis deux ou trois générations.

Le 18 novembre, les deux présidents ont animé un Conseil des ministres conjoint à Ouagadougou.

Devant la raréfaction des terres, de nouveaux arrivants s’installent dans les forêts classées, avec la complicité des autorités militaires et des chefferies locales qui en ont fait un véritable commerce. Entre 2 et 3 millions de Burkinabè vivent actuellement en Côte d’Ivoire (qui compte 21 millions d’habitants). Selon la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), ces migrants envoient chaque année au pays des dizaines de milliards de francs CFA. Depuis novembre 2007, en tant que ressortissants de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), ils n’ont plus besoin de carte de séjour. L’arrivée de ces grands travailleurs et bons cultivateurs, à la base de la réussite agricole ivoirienne, est aujourd’hui encadrée par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI).

Reconstruction

L’arrivée au pouvoir d’Alassane Ouattara a également renforcé les ambitions des hommes d’affaires burkinabè qui souhaitent toucher les dividendes de la relation privilégiée qu’entretient Blaise Compaoré avec l’exécutif ivoirien. Le banquier burkinabè Idrissa Nassa, PDG de Coris Bank, a prévu d’ouvrir plusieurs agences en Côte d’Ivoire.

Dans le BTP, plusieurs groupes lorgnent sur les juteux marchés de la reconstruction. Mohammed Abdulaï, directeur général de Faso Construction et Services, a ainsi ouvert une filiale à Abidjan ; l’entreprise a récemment obtenu le contrat de la construction du futur complexe sportif Alassane-Ouattara de Grand-Bassam (6 milliards de F CFA) et la rénovation du Palais des sports d’Abidjan (1,3 milliard de F CFA). De son côté, le groupe Kanazoé a décroché plusieurs marchés de réhabilitation de tronçons routiers dans le Nord ivoirien. Quant à la nouvelle présidente de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso, Alizèta Ouédraogo, elle pourrait implanter à Abidjan une filiale de sa société de construction immobilière Azimmo pour attaquer le marchés des logements sociaux. 

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