Burkina Faso : très bon élève, mais…
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Alain Faujas
Alain Faujas est spécialisé en macro-économie.
Publié le 12 mars 2012 Lecture : 3 minutes.
Les émeutes qui ont secoué le Burkina Faso au premier semestre 2011 n’avaient aucune cause économique, mais de multiples causes politiques. Il faut le rappeler, dans un temps où les « printemps » et les « révolutions » débutent le plus souvent par une paupérisation des populations.
Grâce à une année exceptionnelle pour toute la filière agricole, la croissance du PIB avait atteint 7,9 % en 2010, avec une inflation nulle. Année après année, le pays des Hommes intègres confirme donc les performances qui le classent parmi les très bons élèves d’Afrique de l’Ouest, avec une croissance moyenne de 5,5 % par an sur dix ans et un déficit budgétaire contenu à quelque 4 %. Et ce malgré sa vulnérabilité climatique et son enclavement, qui le mettent à la merci des fluctuations erratiques des prix de ses exportations (or et coton) et de ses importations (surtout en ce qui concerne l’énergie).
Certains attribueront ces bons résultats à la hausse de la production d’or (une trentaine de tonnes en 2011), qui représente désormais plus de la moitié des exportations du Burkina. D’autres diront que le prix du coton, passé en quelques mois de 80 à 200 dollars (de 60 à 150 euros) la tonne, a bien facilité les choses – un coup de pouce sans lendemain, le cours de cette matière première étant en chute depuis le début de 2011.
D’autres encore souligneront que le pays a su jouer auprès des bailleurs de fonds de son extrême pauvreté (avec un revenu annuel par tête de 670 dollars selon le Fonds monétaire international [FMI]) et qu’il profite d’une aide de 70 dollars par habitant quand la moyenne en Afrique subsaharienne est de 50 dollars.
La forte fécondité, qui frise les 6 enfants par femme, empêche le pays de faire reculer significativement la pauvreté.
C’est oublier que Ouagadougou s’est doté de l’un des cadres budgétaires les plus efficaces du continent, qui lui permet de contrôler ses finances publiques. Lors de la crise de la vie chère de 2008, le gouvernement a réagi en aidant les populations les plus menacées et non pas en subventionnant indistinctement les produits de base, solution de facilité qui a valu au Sénégal un sévère dérapage budgétaire.
De même, pour apaiser la colère populaire de 2011, les autorités ont répondu aux attentes, mais en procédant à des réallocations budgétaires, ce qui leur a permis de demeurer dans les limites arrêtées avec le FMI et la Banque mondiale.
Elles savent instaurer des « filets de sécurité » sociaux, sans que cela mette à mal les finances publiques. On le voit encore cette année avec la mise en place du Plan opérationnel de soutien aux populations vulnérables aux crises alimentaires, déclenché à la suite de la mauvaise récolte de 2011-2012. La réduction de 16 % de la quantité de céréales produites a par exemple entraîné une hausse de 50 % du prix du mil depuis le mois de septembre. Neuf mille tonnes de céréales seront vendues à moitié prix, mais elles seront réservées aux six des neuf régions du Nord en déficit.
Ce Burkina sage, modeste et dur à la peine ne parvient pourtant pas à surmonter ses deux handicaps majeurs : une absence de transformation de ses productions et une croissance démographique hors de contrôle.
Son incontestable vocation agricole ne l’a pas encore conduit à enrichir les produits maraîchers ou les céréales, qu’il exporte bruts vers ses voisins méridionaux. Le cas de l’élevage est symbolique de cette carence. Les troupeaux gagnent souvent à pied la Côte d’Ivoire, où les bêtes parviennent amaigries et en mauvaise condition, ce qui ne permet pas d’en tirer un bon prix. Il manque une chaîne composée d’abattoirs, de sites de conditionnement, de frigos et de transporteurs routiers pour ces produits carnés, qui, ainsi transformés et améliorés, créeraient de nouveaux emplois et apporteraient des recettes considérablement accrues aux Burkinabè.
La forte fécondité, qui frise les 6 enfants par femme, empêche le Burkina de faire reculer significativement la pauvreté de ses habitants. Avec un taux de croissance démographique de 3 % à 3,5 % par an et une croissance économique de 5 % à 5,5 %, le niveau de vie ne s’améliore que de 1,5 % à 2,5 %.
Autant dire qu’avec 500 000 âmes supplémentaires par an et ce faible progrès le pays ne parvient guère à faire face aux nouveaux besoins en matière d’éducation, de santé ou d’eau potable. Pour remarquable qu’il soit, le développement rapide du Burkina Faso ne peut pas encore être qualifié de durable.
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