Burkina Faso : silence dans les rangs de l’armée
Ébranlée par les mutineries de l’an dernier, l’armée engage une mue sans précédent. À la manœuvre : Blaise Compaoré, qui s’est investi ministre de la Défense, et un nouveau chef d’état-major.
Burkina Faso : Compaoré face au changement
Un état-major renouvelé dans sa totalité, des régiments entiers dissous, des centaines de soldats radiés, une nouvelle stratégie en cours d’élaboration et des méthodes de recrutement et de formation revues : jamais l’armée burkinabè n’avait connu de tels bouleversements.
Ébranlée par les mutineries du premier semestre 2011, qui ont enflammé la plupart des garnisons du pays et dont le bilan s’établit à deux morts parmi les civils, six chez les mutins, des dizaines de blessés et de nombreux dégâts matériels, l’armée a dû procéder à un examen de conscience. Nommé en avril alors que les mutineries se poursuivaient, le nouveau chef d’état-major général, le général Honoré Nabéré Traoré, en a convenu dès le mois de juillet, reconnaissant des erreurs en matière « de commandement, de recrutement et de formation ». En octobre, le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, est allé plus loin, affirmant que « les récents événements ont mis à mal la gouvernance de l’armée. »
Sous la direction d’un ministre de la Défense pas comme les autres – le président Blaise Compaoré s’est lui-même nommé à ce poste en avril -, le général Traoré a d’abord sévi. Dès le mois de juillet, 566 hommes accusés d’avoir participé aux troubles ont été radiés de l’armée. La plupart étaient des soldats de 2e et de 1re classe – mais aussi 35 sergents, un adjudant et un adjudant-chef. Parmi eux, plus de 300 ont été déférés devant la justice. En attendant leur jugement prévu pour cette année, ils croupissent en prison. Les sans-grade ne sont pas les seuls à avoir trinqué. En avril, puis en octobre, c’est l’ensemble de l’état-major qui a été renouvelé. « Les chefs n’avaient plus la confiance de leurs troupes, il fallait un coup de balai », indique un collaborateur de Compaoré. « Nos chefs n’entendent aucune de nos revendications. Ils ne pensent qu’à leurs affaires », nous avait déclaré un mutin en avril 2011. Seul le chef d’état-major particulier du président, son compagnon de route depuis plus de vingt-cinq ans, Gilbert Diendéré, a sauvé sa tête. Le Régiment de la sécurité présidentielle (RSP), qu’il dirige, s’est pourtant lui aussi rebellé en avril.
Déménagements
Comme pour marquer leur territoire, Compaoré et Traoré ont en outre entrepris de revisiter la carte militaire du pays. En août, quatre régiments et un centre de formation ont été dissous, tandis que trois régiments ont vu le jour. D’autres ont déménagé.
Malgré ces nombreuses mesures, la colère gronde toujours dans les casernes – les militaires dénoncent un manque de moyens et de formation. Les opposants, eux, parlent de « réformettes » en trompe-l’oeil. « Notre armée n’est pas républicaine : son attitude montre qu’elle est au service d’un individu, d’un clan, et ce n’est pas près de changer », dénonce le défenseur des droits de l’homme Halidou Ouédraogo.
Le gouvernement assure que la mutation est loin d’être terminée. En octobre, le Premier ministre a annoncé l’organisation prochaine d’états généraux de l’armée, avec comme priorités la formation des soldats et, surtout, leur recrutement, jugé défaillant ces dernières années. De l’aveu même du chef d’état-major, trop de nouveaux venus ont été intégrés sur « interventions » extérieures et n’ont pas été suffisamment formés.
Mi-février, le ministère de la Défense a en outre organisé un séminaire pour élaborer une réorientation stratégique. La dernière orientation datant de 1994, il convient de « prendre en compte un contexte de plus en plus changeant », a expliqué le général Traoré.
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