Burkina Faso : le CDP, parti de Blaise Compaoré, fait peau neuve
Plus de 3 500 cadres et militants ont participé, du 2 au 4 mars, au cinquième congrès ordinaire du CDP. Avant la campagne pour les scrutins de novembre, il s’agit de dépoussiérer et de moderniser la formation.
Burkina Faso : Compaoré face au changement
« Cela fait dix ans que j’assume cette responsabilité, expliquait Roch Marc Christian Kaboré, alias RMC, l’ex-président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, le parti du chef de l’État). Il faut injecter du sang neuf et donner un nouveau style d’administration à la formation. » Sans aucune amertume, le président de l’Assemblée nationale, qui a maintenu, tant bien que mal, l’unité du parti depuis 2003, a décidé de tirer sa révérence lors du cinquième congrès ordinaire, qui s’est tenu du 2 au 4 mars, au Palais des sports de Ouaga 2000. Certains prétendent qu’il a devancé une disgrâce, mais il faut plutôt y voir la volonté du président Compaoré, très sérieusement ébranlé par la crise sociale et militaire du premier semestre 2011, de reprendre en main sa formation tout en la rajeunissant. Preuve de cette reprise de contrôle : le nouveau patron du parti, Assimi Kouanda, ancien directeur de campagne de Compaoré pour la présidentielle de 2010, n’a plus le titre de président (du bureau politique, supprimé), mais celui de simple secrétaire exécutif national.
Frondes au sein du CDP
Né en février 1996 de la fusion de treize formations politiques, dont la plupart sont passées du communisme à la social-démocratie, le CDP est une machine lourde et puissante, implantée sur l’ensemble du territoire. Il a gagné toutes les batailles électorales depuis sa création. Mais la formation est en proie à de plus en plus de divisions. Il y a d’abord eu, en 2009, la fronde de Salif Diallo, l’ex-ministre de l’Agriculture qui avait dénoncé la « patrimonialisation » du pouvoir. Suspendu du bureau politique, celui-ci a connu un retour en grâce après la crise sociale de 2011. Il y a eu ensuite la défection des anciens ministres Ablassé Ouédraogo et Zéphirin Diabré, qui ont claqué la porte pour créer leur propre parti et réclamer l’alternance. Puis le mécontentement des jeunes du CDP, représentés par Salifou Sawadogo, qui dénoncent la mainmise des vieux barons qui les empêchent de faire leur nid. Et il y a enfin un phénomène propre à chaque formation politique, la coexistence de différents courants et leurs leaders.
Les jeunes représentés par Salifou Sawadogo, dénoncent la mainmise des vieux barons.
Tout cela dans un contexte sociopolitique fragile et dominé par les incertitudes concernant la volonté ou non de Blaise Compaoré de se représenter en 2015. Ce qui aiguise, au passage, l’appétit de ses éventuels successeurs.
Fort de ce constat, le chef de l’État souhaite fixer de nouveaux objectifs et moderniser l’ensemble des organes de direction. Le CDP comprend un bureau exécutif de 37 membres, un bureau politique de quelque 500 membres, un conseil national de plus de 1 000 militants et des représentations provinciales qui comptent près de 2 000 partisans.
Démocratie interne
Les cadres du CDP ont préparé l’aggiornamento du parti dans le cadre de trois commissions. L’une est consacrée au thème du congrès, l’impulsion d’une nouvelle dynamique « face aux mutations sociales, économiques et politiques », une autre à la vie du parti et la troisième à sa stratégie électorale dans la perspective des élections municipales et législatives couplées prévues en novembre 2012. « Ces commissions dressent le bilan de nos actions passées et font des propositions, précise le patron du parti. Très souvent, entre deux élections, nous avons tendance à nous reposer sur nos lauriers. Il faut que l’on se donne les moyens d’animer la formation tout au long de l’année, dans les villes comme dans les campagnes. »
Les dirigeants vont essayer de faire de la place aux femmes et aux jeunes, l’objectif étant qu’ils occupent près de 60 % des différentes structures du parti. Le CDP pourrait également mettre en place des collèges électoraux au niveau des provinces, chargés de proposer les candidats pour les prochains scrutins. Un progrès en matière de démocratie interne.
Avec une opposition revigorée par les événements de 2011, se régénérer est une nécessité.
En mettant les hommes au travail, le chef de l’État souhaite éviter le déclenchement des polémiques et éventuelles querelles de succession. Dans l’ombre, trois candidats espèraient bien succéder à Kaboré : Paramanga Ernest Yonli, l’ancien Premier ministre, Salif Diallo, l’ex-ministre de l’Agriculture, qui faisait figure de numéro deux du régime avant sa disgrâce, et Arsène Bongnessan Yé, le ministre chargé des Relations avec le Parlement et des Réformes politiques. Tous s’accordaient – à raison – sur une chose : il était vain de faire des pronostics sur le choix du futur leader du parti… « La configuration du bureau exécutif national ne sera connue qu’à l’issue du processus de réflexion organisé autour du président Compaoré, expliquait l’un des prétendants. C’est lui qui, in fine, fera son choix en tenant compte de la composition sociale et des forces émergentes. »
Suprématie
Assimi Kouanda, le nouveau patron du CDP, a désormais la lourde charge d’élaborer la stratégie pour les élections de novembre 2012. Le parti devra faire face à une opposition revigorée par les événements de 2011 et le renouvellement des listes électorales. S’il ne parvient pas à se régénérer, il pourrait perdre une partie de sa suprématie (avec ses alliés politiques, il totalise plus de 80 % des sièges à l’Assemblée nationale) lors des prochains scrutins.
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