Burkina Faso : Luc Adolphe Tiao, l’homme qui tombe à pic
Pour ses débuts en politique, l’ex-journaliste et diplomate a vite pris ses marques. Dix mois après sa nomination-surprise en tant que Premier ministre, Luc Adolphe Tiao jouit d’une grande popularité.
Burkina Faso : Compaoré face au changement
« J’étais comme sonné, abasourdi… Mais à aucun moment je n’ai songé à refuser le poste. » C’est ce que confiait Luc Adolphe Tiao à Jeune Afrique, quelques jours après sa nomination, le 18 avril 2011. Ambassadeur du Burkina Faso en France depuis 2008, il est alors de passage à Ouagadougou et est convoqué par le chef de l’État. L’entretien entre les deux hommes est bref, un quart d’heure tout au plus. Le temps qu’il faut à un président affable, mais au regard perçant, pour se faire une idée sur Tiao et lui proposer de prendre la tête du gouvernement, alors même que le pays est secoué par une crise sociale et militaire sans précédent.
Tout commence fin février 2011, avec les marches, émaillées de violences, qui se propagent dans tout le pays pour réclamer la fin des brutalités policières après la mort d’un collégien, Justin Zongo, passé à tabac dans un commissariat de Koudougou. S’y ajoutent des manifestations de fonctionnaires et de commerçants, mobilisés contre la vie chère et la corruption. À partir de fin mars, des mutineries éclatent dans les garnisons ; l’une gagne la garde présidentielle, le 14 avril. Compaoré sent le vent du boulet. Les têtes ne tardent pas à tomber : celles de la quasi-totalité du commandement militaire et celle du Premier ministre, Tertius Zongo. « Il fallait du sang neuf », remarque un diplomate.
Pédagogue
Côté civil, le sang neuf, ce sera donc Luc Adolphe Tiao. C’est le premier chef de gouvernement nommé par le président burkinabè qui ne soit pas économiste. Ancien journaliste, président du Conseil supérieur de la communication (CSC) de 2001 à 2008, il n’a jamais occupé de poste ministériel. Sans être proches, les deux hommes se connaissent. En 1982, le jeune journaliste a bravé ses supérieurs pour interviewer le capitaine révolutionnaire Blaise Compaoré, retranché avec ses hommes à la caserne de Pô. À la fois homme de communication et diplomate aguerri, Tiao n’est pas pour autant des plus malléables. De quoi plaire aux contestataires.
Débonnaire, non dénué d’humour, il n’appartient à aucun clan. Mais est membre du parti présidentiel.
Débonnaire et non dénué d’humour, n’appartenant à aucun clan – mais néanmoins membre du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP, au pouvoir) -, le nouveau chef du gouvernement fait fi des commentaires. Il sait qu’il doit faire vite. L’une de ses premières mesures sera de subventionner les prix des produits de base ; le prix du sac de 50 kg de riz descend alors de 20 000 F CFA (30,50 euros) à 16 000 F CFA, celui du kilo de sucre, de 800 à 650 F CFA. Les impôts sur les salaires sont réduits de 10 % ; les commerçants pillés, assurés d’être dédommagés…
En matière de justice, Tiao invite les magistrats à traiter au plus vite le cas Justin Zongo et, dès août 2011, les trois policiers accusés d’avoir tué le jeune homme sont jugés et condamnés à des peines de huit à dix ans de prison. Enfin, il met sur les rails l’un des chantiers majeurs du quinquennat : le Conseil consultatif sur les réformes politiques. Tout cela en sillonnant le pays pour rencontrer les populations et mieux leur expliquer le Burkina nouveau. Un sens de la pédagogie et du terrain qu’il a communiqué à son équipe et qui lui vaut une cote de popularité au beau fixe.
Auprès des partenaires internationaux du pays, il apparaît comme un homme qui connaît bien ses dossiers. Son dernier succès ? Début février, à Paris, où il est parvenu, avec son ministre de l’Économie et des Finances, Lucien Marie Noël Bembamba, à mobiliser 4 milliards d’euros (sur cinq ans) auprès de bailleurs de fonds et d’entreprises privées françaises pour le financement de la Stratégie de croissance accélérée et de développement durable du Burkina Faso.
« Pour le moment, tout va bien pour lui, mais jusqu’à quand ? s’interroge un membre de l’opposition. Il commence à faire de l’ombre à son mentor, et ce dernier n’aime pas beaucoup ça… » En attendant, le Premier ministre sait mener sa barque, et remercie le chef de l’État à chaque occasion.
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