Burkina Faso : l’énigme Blaise Compaoré
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Marwane Ben Yahmed
Directeur de publication de Jeune Afrique.
Publié le 6 mars 2012 Lecture : 3 minutes.
Burkina Faso : Compaoré face au changement
Avec le Camerounais Paul Biya, le Burkinabè Blaise Compaoré est le chef d’État le plus insondable d’Afrique francophone. Rare sont ceux qui le connaissent réellement et savent précisément ce qui se trame dans sa tête. Bien sûr, il a des proches, des amis, des connaissances. « Blaise » – il fait partie, avec Ali Bongo Ondimba, des présidents que l’on évoque souvent par leur prénom – reçoit, consulte, donne l’impression de tout partager avec vous. Il sait être affable et sympathique, entretient des réseaux complexes, suit les parcours de tous ses ex-protégés partis sous d’autres cieux poursuivre leur chemin, aime recevoir ou « s’encanailler » dans les dîners mondains, manière de s’informer, de garder le contact avec la réalité.
Mais attention, l’homme est déroutant, complexe, presque insaisissable. Il peut afficher des visages extrêmement différents – angélique ou sévère -, des attitudes ou des postures opposées : impassible ou passionné, décontracté ou grave, c’est selon. Il peut vous régaler d’imitations – feu Eyadéma et Omar Bongo Ondimba surtout -, vous conter mille anecdotes tirées de ses années de pouvoir ou, au contraire, être le plus sérieux et le plus autoritaire des hommes. Militaire, révolutionnaire, « rectificateur », trublion, boutefeu, pacificateur, marxiste puis libéral à l’africaine : Blaise a connu de multiples vies. C’est un caméléon, qui s’adapte en permanence à son environnement, n’aime ni les théories ni les idéologies. Ou plutôt qui sait s’en affranchir quand l’intérêt, le sien ou celui de son pays, l’impose. L’objectif, comme il le dit lui-même, importe plus que le chemin. Il s’adapte, donc, mais reste lui-même, un concentré de ces multiples expériences.
C’est un caméléon, qui n’aime ni les théories ni les idéologies. Ou plutôt qui sait s’en affranchir.
Après les événements de février 2011, il y a tout juste un an, qui firent vaciller Kosyam et son pouvoir, il n’a pu que comprendre qu’il lui faudrait une nouvelle fois évoluer. Tenir compte du vent de liberté qui souffle sur le continent depuis l’épicentre tunisien, même si en la matière Ouaga est loin, très loin, de ressembler à Carthage.
Il n’ignore pas non plus que le fossé qui ne cesse de se creuser entre une classe aisée constituée trop rapidement pour ne pas poser question et ceux qui souffrent d’un pouvoir d’achat chaque jour plus faible et d’absence de perspectives constitue une bombe à retardement qu’il faudra bien désamorcer.
Il a également entendu les messages contradictoires qui lui parviennent : ceux qui lui enjoignent de ne pas poursuivre au-delà du terme actuel de son mandat, en 2015, aux premiers rangs desquels ses « amis » français et américains, mais aussi, hélas, ceux qui, par intérêt personnel, le supplient de rester, parce que le Burkina ne pourrait se passer de son chef.
Il écoute, toujours, mais décide seul. Son choix est même certainement déjà arrêté. Mais comme d’habitude, il n’en dira rien, quel qu’il soit. Il ne peut s’engager à partir, au risque de saper son autorité et de lancer une guerre de succession prématurée, comme il ne pourrait, évidemment, annoncer qu’il s’accrochera au pouvoir…
À 61 ans, près de vingt-cinq ans de présidence au compteur, le dernier rescapé, avec Gilbert Diendéré, des cinq hommes qui lancèrent la révolution, en 1983, s’apprête à effectuer sa dernière mue. À l’époque, il voulait changer le monde. Aujourd’hui, ses compatriotes lui demandent plus simplement de changer le Burkina.
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