France – Afrique : le grand débat
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François Soudan
Directeur de la rédaction de Jeune Afrique.
Publié le 6 mars 2012 Lecture : 3 minutes.
Ce n’est évidemment pas l’enjeu, même mineur, de l’élection présidentielle française, mais c’est le seul qui, dans le fond, concerne les spectateurs africains du duel Sarkozy-Hollande que nous annoncent tous les sondages. Une autre politique africaine (et maghrébine) de la France est-elle souhaitable et possible ? Non, répond le ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, pour qui la meilleure démonstration du bien-fondé de la politique suivie depuis cinq ans réside dans le fait que les socialistes se montrent, selon lui, incapables de développer un projet alternatif. Oui, soutient l’académicien et ex-ambassadeur au Sénégal Jean-Christophe Rufin, pour qui l’interventionnisme français sur le continent et la régression de sa politique d’aide au développement, qui seraient la marque des années Sarkozy, devraient prendre fin avec le départ de ce dernier.
Les frontières du débat sont donc clairement tracées, reste à en définir les règles. Or, sur ce dernier plan, force est de reconnaître que rien n’est encore clair. À l’époque où sévissait la fameuse Françafrique, la ligne de clivage gauche-droite était (relativement) nette : la première s’y complaisait alors que la seconde exigeait que l’on tranche les têtes de l’hydre. Aujourd’hui, l’acte de décès de cette entité fantasmatique et de très mauvaise réputation ayant été prononcé, on ne voit plus très bien ce qui, en termes de doctrine et de ligne directrice, sépare ces deux forces politiques françaises. Après tout, le manque de sensibilité pour l’Afrique manifesté tout au long de son mandat par Nicolas Sarkozy n’est pas pire que l’indifférence affichée hier par Lionel Jospin ou que le déficit d’intérêt notoire de François Hollande (excepté pour l’Algérie et le Sénégal). Quant aux chefs d’État de l’ex-« pré carré » que la perspective de voir un socialiste siéger à l’Élysée inquiète, ils savent qu’ils auront en Laurent Fabius, Michel Rocard, Jacques Attali, Jack Lang, Jean-Marie Le Guen, Jean-Christophe Cambadélis, Jean-Pierre Mignard et quelques autres des interlocuteurs attentifs, voire des relais compréhensifs.
Simples pistes
Alain Juppé aurait-il donc raison de ne voir dans les quelques idées énoncées par François Hollande en matière de politique africaine qu’un simple « copier-coller » des siennes, lesquelles, vues de gauche, n’ont rien de déshonorant ? C’est trop vite dit. Aussi bien des individualités comme Jean-Christophe Rufin et le chercheur Jean-François Bayart que des laboratoires de réflexion comme Terra Nova et la Fondation Jean-Jaurès (à laquelle collabore le délégué Afrique du PS, l’économiste Thomas Mélonio) planchent sur ce que pourrait être une politique « de gauche » en Afrique applicable au lendemain du 6 mai.
Mais il s’agit pour l’instant de simples pistes, pas encore de projet, encore moins de programme. Nicolas Sarkozy candidat avait fait un bon discours en 2006, celui de Cotonou, avant de se fourvoyer une fois élu dans les méandres culturalistes de celui de Dakar. On attend toujours la « vision » africaine de François Hollande*. Non pas un contre-discours de Dakar (Ségolène Royal l’a déjà fait, en 2009, avec un certain brio), mais une sorte de nouvel « appel de Brazzaville ». Il serait temps, car c’est avant une élection que se définissent les principes et les moyens de les appliquer, que s’établissent les garde-fous. Ce qui est en jeu après tout, ce n’est pas une réforme, mais une refondation.
===> Retrouvez l’interview exclusive d’Alain Juppé
===> Lisez la tribune de Jean-Christophe Rufin
* Dans son livre-programme paru le 23 février (Changer de destin, chez Robert Laffont), le candidat socialiste ne consacre qu’une page sur 166 à la politique arabe et africaine de la France.
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