En Tunisie, une vague de fake news vise les Subsahariens
Les fact-checkeurs des médias traditionnels tentent de démonter les fausses informations qui pullulent sur les réseaux. Qu’elles soient en faveur des autorités tunisiennes comme des migrants.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 14 mars 2023 Lecture : 2 minutes.
Comme le veut la coutume de notre ère 2.0., il y a, en toute actualité, les faits, les commentaires… et les fake news. Dans le débat qui agite actuellement les relations entre la Tunisie et l’Afrique subsaharienne, les faits sont les suivants : le 21 février dernier, Kaïs Saïed affirmait que l’immigration relevait d’un « plan criminel pour changer la composition du paysage démographique » du pays.
Au rayon des commentaires, le chef de l’État tunisien déclarait, le 8 mars suivant, qu’il était « Africain et fier de l’être », tout en semblant tenir l’Afrique à distance de son identité familiale et étudiante : « J’ai un certain nombre de (membres de) ma famille qui sont mariés à des Africains. Mes amis de la faculté de droit de Tunis étaient des Africains ».
Ce jeu de miroir entre l’écrit et les dédouanements oraux a ouvert la brèche à toutes sortes de tentatives de manipulation de l’opinion internationale. Et les services de fact-checking des organes de presse reconnus de s’arracher les cheveux, pour démêler le vrai du faux. Un sacerdoce qui relève du mythe de Sisyphe condamné à faire rouler, jusqu’en haut d’une colline, un rocher qui redescend chaque fois…
« Grand remplacement »
À l’assaut des réseaux sociaux, notamment TikTok, les divisions « Reality Check » et « BBC Monitoring » de la radio-télévision publique britannique se sont penchées sur des vidéos tendant, pour la majorité, à démontrer la réalité du présumé « grand remplacement ».
C’est ainsi que des images visionnées des dizaines de milliers de fois montrent des foules qui courent dans les rues, affublées de divers titres comme « La Tunisie sous occupation » ou « La Tunisie est devenue le royaume des Africains ». On peut aussi voir des groupes de manifestants au teint noir s’attaquant à des conducteurs et des passants, censés illustrer « des Africains subsahariens assiègent des provinces tunisiennes ». Il y aussi ces vidéos d’hommes marchant dans un paysage désertique présentés comme « un grand nombre de migrants subsahariens » qui « traversent le désert en direction de la Tunisie ». Enfin, si des véhicules remplis d’hommes armés apparaissent sur les écrans, cela prouve que ces « Africains sont aussi armés », #AfricainsenTunisie…
L’analyse des décors – monuments, drapeaux – des langues utilisées, tout comme le traçage des vidéos sont sans appel : les foules qui courent, dans la première vidéo, arpentent les rues de Dakar ; les agresseurs d’automobilistes ont été filmés au Maroc ; les hommes qui marchent dans le désert quittaient l’Algérie ; quant aux blindés, ils ont été filmés au Soudan…
La technique des désinformateurs consiste à tailler les images, à les décontextualiser et à changer leurs dates. Pour dénoncer la défiance actuelle, en Tunisie, à l’égard des Subsahariens, circule la vidéo d’un homme maîtrisé par les agents d’un aéroport et des agents de sécurité. Commentaire : « Les Africains noirs sont attaqués en Tunisie même lorsqu’ils essaient de quitter le pays ». Cet incident s’est bien déroulé en Tunisie mais en juillet 2022, bien avant les propos de Kaïs Saïed…
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