Au coeur du pouvoir de Kadhafi avec « Le Cauchemar libyen »

Familier du système Kadhafi, Mohamed Albichari livre un témoignage de première main sur les arcanes de l’ex-pouvoir libyen.

Sur les ruines de la résidence Bab Al-Aziziya de Mouammar Kaddafi. © Li Muzi/Xinhua Press/Corbis

Sur les ruines de la résidence Bab Al-Aziziya de Mouammar Kaddafi. © Li Muzi/Xinhua Press/Corbis

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Publié le 27 février 2012 Lecture : 3 minutes.

En quarante années de règne, Kadhafi a suscité moins d’ouvrages qu’au cours des quarante semaines de sa chute. Alors qu’aucun auteur digne de ce nom (à l’exception – notable – de Guy Georgy*) ne s’était réellement intéressé au personnage, à son système, à son pays lorsqu’il était au pouvoir, dès les premiers craquements de son régime, au contraire, on a assisté à une prolifération de biographies écrites à la hâte, d’essais rédigés à la va-vite ou de tentatives d’explications de « spécialistes » surgis soudain du néant.

Le plus éminent est le philosophe Bernard-Henri Lévy, dont le rôle dans le déclenchement des opérations visant à renverser Kadhafi n’a jamais été aussi bien raconté que par lui-même, dans un gros livre (648 pages), La Guerre sans l’aimer (Grasset, 2011), qui a bénéficié d’un important battage médiatique, comme seul BHL sait en organiser, mais dont le succès public a été plutôt médiocre.

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On peut mentionner aussi le petit essai, vif et bien documenté, du journaliste Laszlo Liskaï (Khadafi, du réel au surréalisme, Encre d’Orient, 2011) ; la biographie, aux qualités plus littéraires que documentaires, de l’écrivain Alexandre Najjar (Anatomie d’un tyran : Mouammar Kadhafi, Actes Sud, 2011), ou l’ouvrage d’un ancien diplomate français ayant été quelque temps en poste à Tripoli (Au coeur de la Libye de Kadhafi, de Patrick Haimzadeh, JC Lattès, 2011). Mais ce sera pour observer que tous ces auteurs ont pour point commun… de ne pas être libyens – et donc de ne donner sur la Libye qu’un point de vue extérieur.

Point de vue "de l’intérieur"

Voilà le premier attrait du livre que publient en ce début d’année les éditions Favre (Lausanne) sous le titre Le Cauchemar libyen : il est le premier à fournir un point de vue « de l’intérieur ». Son auteur, Mohamed Albichari, en effet, est non seulement libyen, mais il n’est pas n’importe quel Libyen : il est le fils de feu Ibrahim Albichari (Brahim Bshari), qui fut l’un des piliers du régime instauré par Kadhafi, qu’il tenta, souvent en vain, d’infléchir vers plus de respectabilité, avant de se tuer (ou d’être tué ?) dans un accident automobile.

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Né peu de temps après le coup d’État qui renversa le roi Idriss, Mohamed Albichari a passé toute son enfance au coeur même du système Kadhafi, fréquentant les mêmes écoles que les fils de ce dernier, et assistant aux innombrables intrigues du sérail. Parfaitement francophone, comme le furent son père et son grand-père, Mohamed Albichari apporte donc ici, dans une langue limpide, un témoignage de première main sur les arcanes du pouvoir libyen. Mais il ne se contente pas d’une simple observation. Après avoir brossé à grands traits l’histoire de son pays, dont la connaissance est indispensable à qui veut comprendre à la fois comment un homme comme Kadhafi a pu se maintenir si longtemps au pouvoir et ce qui attend les nouveaux dirigeants, il cherche à en distinguer les perspectives d’avenir. Empêtrées dans des contradictions sans fin – et probablement insolubles, si ce n’est, hélas, par la violence -, les forces en présence contribuent par ambition plus que par idéologie à ruiner l’un des pays pourtant les plus riches d’Afrique. Aussi le cauchemar qu’évoque le titre de ce petit livre est-il double : il y a les quarante années cauchemardesques du régime Kadhafiste bien sûr, mais aussi le cauchemar que vit aujourd’hui la Libye dite « nouvelle ».

Si la situation actuelle prête au pessimisme, Albichari conserve toutefois l’espoir de l’émergence d’une Libye réconciliée, unie, libre et dynamique. Vaste programme !

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* Premier ambassadeur de France nommé à Tripoli après le renversement du roi Idriss, Guy Georgy a tiré de son expérience libyenne un ouvrage : Kadhafi, le berger des Syrtes (Flammarion, 1996), dans lequel il cherche à percer le mystère de la personnalité du « Guide ».

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