Hydrocarbures : c’est reparti pour Eni en Afrique
Tunisie, Égypte, Libye… La major italienne Eni a subi de plein fouet le Printemps arabe. Devenu l’allié des nouveaux pouvoirs en Afrique du Nord, le groupe repart de l’avant et mont en puissance au sud du Sahara.
Les oracles prévoyant un avenir sombre à l’italien Eni, pris dans la tourmente des révolutions arabes, vont devoir réviser leurs présages. Certes, l’année 2011 n’a pas été facile à gérer pour le groupe pétrolier et gazier, dont la production a reculé de 12,9 %, à 1,58 million de barils par jour (b/j), mais l’essentiel est sauf. Depuis son siège milanais, Paolo Scaroni, le patron de la major, a rassuré, le 15 février, le monde de la finance : le bénéfice net a progressé de 9,1 % (6,9 milliards d’euros), le résultat opérationnel de 8,5 % (17,5 milliards d’euros) et le chiffre d’affaires de 11,2 % (109,6 milliards d’euros).
Entre deux feux
Les productions tunisienne et égyptienne, essentiellement offshore, n’ont pas été affectées par les événements. Par contre, la compagnie a réduit ses activités en Libye entre juin et septembre 2011. « Nous avions deux grandes préoccupations : sécuriser nos employés et préserver des bombardements nos outils de production, explique Paolo Scaroni. Lors de mon déplacement à Benghazi le 3 avril 2011, j’ai rencontré le chef du CNT [Conseil national de transition, NDLR], Moustafa Abdeljalil, et ses collaborateurs. Ils ont compris l’intérêt de préserver les centrales électriques et le pipeline reliant la Libye à l’Italie. »
Le CNT a compris l’intérêt de préserver le pipeline reliant la Libye à l’Italie.
Paolo Scaroni, PDG
Pris entre deux feux, le groupe a toutefois fortement réduit sa production libyenne, qui est passée de 280 000 à 40 000 b/j au plus bas. Aujourd’hui, elle est remontée à plus de 240 000 b/j (soit 86 % du niveau d’avant la crise), tandis que 32 expatriés sur 128 sont déjà revenus en Libye. Un retour à la normale est prévu au début du deuxième semestre 2012. En outre, quelque 21 milliards de dollars (16 milliards d’euros) vont être investis dans le développement et l’exploration au cours des trente prochaines années. L’objectif est d’atteindre rapidement les 300 000 b/j dans le pays.
Si la compagnie s’attend à une concurrence exacerbée dans le cadre de l’attribution des nouveaux permis de recherche, notamment de la part de Total, elle n’a pas d’inquiétude sur les contrats déjà passés. « Nous avons vécu une douzaine de révolutions en Afrique, précise Paolo Scaroni. Jamais un contrat n’a été cassé, pour la simple raison qu’il y a des clauses d’arbitrage international. Leur remise en cause coûterait très cher aux États. Et puis, quel est l’intérêt de changer de partenaire ? On connaît les hommes, l’histoire, l’économie et la géologie de ces pays. »
Nouvelle donne
Quant aux changements politiques intervenus en Afrique du Nord, ils n’inquiètent pas outre mesure. Le groupe a épousé le Printemps arabe, après avoir prospéré sous les régimes autocrates de Kadhafi et de Moubarak. Il voit même l’avènement au pouvoir des partis islamistes modérés comme une nouvelle opportunité, bien qu’il s’attende encore à quelques convulsions postrévolutionnaires.
Formidable découverte au Mozambique
« Ce projet va changer la vie d’Eni », affirme Paolo Scaroni à propos de la concession de Mamba, récemment découverte au large du Mozambique. Le groupe italien a évalué les réserves de gaz à plus de 850 milliards de mètres cubes. Deux puits sur dix ont déjà été forés avec succès. Le 3 janvier à Bilene, dans le sud du pays, le patron d’Eni a discuté avec le président Guebuza des premiers résultats et des infrastructures nécessaires avant l’entrée en production, prévue en 2018. Eni et ses partenaires prévoient d’investir 50 milliards de dollars (38 milliards d’euros) dans les dix prochaines années pour exploiter cet énorme gisement et construire au moins cinq trains de liquéfaction de gaz naturel liquéfié (GNL).
Premier producteur en Afrique, Eni continue donc à miser sur le continent, qui assure actuellement plus de 50 % de sa production totale. Au nord, le groupe produit 236 000 b/j en Égypte, 72 000 b/j en Algérie et 12 000 b/j en Tunisie. Il achète aussi pour 25 milliards de mètres cubes par an de gaz à l’algérien Sonatrach.
Face au déclin de la production égyptienne, Eni prospecte en outre dans le gaz, notamment sur les champs du Yémen voisin. Il réfléchit à la possibilité de produire du gaz naturel liquéfié (GNL) ou de l’électricité à partir de centrales thermiques.
Pourparlers
Au sud du Sahara, le groupe monte en puissance au Nigeria (160 000 b/j), au Congo (108 000 b/j) et en Angola (98 000 b/j), où il a acquis un nouveau permis d’exploration en décembre (bloc 35). Il a surtout fait une gigantesque découverte au Mozambique et mène des pourparlers avec Accra et la Ghana National Petroleum Corporation pour l’exploitation des gisements pétrolier et gazier de la zone de Sankofa.
De nouveaux pays au potentiel prometteur sont encore en phase de prospection. Au Togo, le groupe sonde actuellement les fonds marins des blocs 1 et 2 dans le bassin du Dahomey. Il nourrit également des ambitions au large du Bénin et du Liberia, et mène des recherches aux côtés de Sonatrach dans le désert malien.
Les réserves prouvées des gisements exploités par le groupe sont actuellement de 7,7 milliards de barils, dont plus de 45 % sur le continent. Fort du redémarrage de ses activités en Libye, Eni prévoit une hausse de sa production mondiale de 3 % par an d’ici à 2014.
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