Baki Youssoufou, anarcho-syndicaliste

Président de la Confédération étudiante de France, ce Nigéro-Sierra-Léonais se bat contre les mesures du ministère de l’Intérieur.

Quel que soit son interlocuteur, le militant n’hésite pas à dire ce qu’il pense. © Camille Millerand pour J.A.

Quel que soit son interlocuteur, le militant n’hésite pas à dire ce qu’il pense. © Camille Millerand pour J.A.

ProfilAuteur_PierreBoisselet

Publié le 27 février 2012 Lecture : 4 minutes.

Il a beau ne pas être très grand, Baki Youssoufou a presque l’air de vous regarder de haut. Ce n’est pas du mépris, mais ce jeune homme de 34 ans est sûr de lui et sans complexes. C’est d’ailleurs en partie ce qui a permis à ce Franco-Nigéro-Sierra-Léonais de se hisser, en mai 2008, à la présidence de la Confédération étudiante, organisation qui revendique 6 000 adhérents et occupe la place de troisième syndicat étudiant en France.

Pour un étudiant noir, c’était une première. Baki Youssoufou estime néanmoins que cela n’a rien d’un exploit et considère même que sa couleur de peau a été un avantage. Il ne nie pas l’existence du racisme dans l’Hexagone : il a aussi enduré sa part de remarques déplacées et de sous-entendus malsains, comme ce jour où un responsable de l’Unef (principal syndicat étudiant français) lui a demandé de faire voter ses « potes de la cité universitaire » de Limoges (comprendre les Africains) s’il voulait être élu. Mais Baki Youssoufou adore se servir des préjugés contre ceux qui les propagent. « Dans une négociation, le temps que les gens réalisent que je parle aussi bien français qu’eux, j’ai déjà une longueur d’avance. C’est un atout ! »

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Cette assurance désarmante vient peut-être de ses parents, tous deux issus de grandes familles africaines. Son père, « fils et petit-fils d’imam », est l’héritier d’une lignée de notables du Niger. Quant à sa mère, elle vient « d’une famille royale traditionnelle » du nord de la Sierra Leone. Il ne sait pas exactement pourquoi elle a accepté de quitter son pays pour la région de Dosso, à 80 kilomètres de Niamey. « Ils n’ont jamais expliqué », assure-t-il. Tout juste est-il parvenu à apprendre, récemment, que cette rencontre a eu lieu alors que le père avait fui un mariage arrangé à l’étranger.

Ce tempérament rebelle se retrouve chez le fils, qui se définit comme un « anarcho-syndicaliste ». Il a rencontré ce courant de pensée à l’âge de 13 ans, dans les rayons du Centre culturel franco-nigérien de Niamey, lorsque son regard a été attiré par un chat noir sur la couverture d’un livre : Le Catéchisme révolutionnaire, de Mikhaïl Bakounine. « Le mot "révolutionnaire" m’intriguait. Je l’avais entendu à la radio sans trop le comprendre. Alors, chaque fois que je venais, j’allais lire Bakounine… Même si je ne comprenais pas tout ! » Ses premières armes, il les a faites à Niamey dans les turbulentes années 1990. « J’étais dans le mouvement lycéen pour foutre le bordel ! s’amuse-t-il. Nous étions contre le régime d’Ibrahim Baré Maïnassara et on se servait des réformes de l’éducation pour se mobiliser. »

À cette époque, il fait aussi la connaissance d’une fratrie de jeunes Français dans un camp de scouts. Cette rencontre ne doit rien au hasard : leurs parents sont de vieux amis de la famille. Comment se sont-ils rencontrés ? Baki Youssoufou affirme ne pas savoir et ne pas pouvoir poser la question… On imagine toutefois que les liens sont étroits, car, chaque année, Baki Youssoufou est invité à passer Noël chez ses « parents adoptifs » (ils ne le sont pas au regard de la loi), dans le sud-ouest de la France, jusqu’à s’y installer pour ses études, en 2001.

Aujourd’hui salarié, il vit à Paris et se bat contre les mesures du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant, qui touchent les étudiants étrangers. Depuis la circulaire du 31 mai 2011, il est devenu difficile pour les nouveaux diplômés de rester en France. Le renvoi de plusieurs jeunes sortis des plus grandes écoles a fait les gros titres de la presse… Lui préfère mettre l’accent sur une mesure pernicieuse mais moins médiatique : le relèvement du revenu minimum de 430 à 615 euros mensuels (« 400 000 CFA ! ») pour pouvoir étudier en France.

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Au Collectif du 31-Mai, structure apolitique créée par des étudiants concernés par la première circulaire, Baki Youssoufou n’a pas bonne presse. « Avec son syndicat, il essaie de profiter du mouvement pour se faire de la pub », lâche un des responsables. Ce jugement, peu amène, est sans doute réciproque. « À Niamey, j’ai refusé d’être inscrit au lycée français. Je trouvais que les élèves étaient des petits péteux. Et je le pense toujours. » « Que ce soit devant un ministre ou un jeune destiné à diriger le monde, Baki n’hésite jamais à dire ce qu’il pense », confirme Barnabé Louche, ancien secrétaire national de la Confédération étudiante.

Les puissants, presque toujours corrompus et inefficaces. Et les autres, qui doivent résister. Cette logique revient souvent chez Youssoufou. Le thème de son mémoire de recherche n’étonne donc pas : une étude comparative entre l’aide publique au développement et les petites structures de microcrédit. Lorsque son deuxième et dernier mandat à la tête de la Confédération étudiante sera achevé, il se verrait bien travailler dans le conseil aux organisations humanitaires. Pour leur dire : « Non, les gars, vous vous plantez là. Ce n’est pas comme ça que vous devez faire. »

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