France : pourquoi Sarkozy s’est présenté si tard
Analyses des stratégies politiques, des bons mots des candidats ou de leurs plus beaux flops… Chaque semaine, Jeune Afrique vous livre sa chronique de la campagne présidentielle française.
En écoutant Nicolas Sarkozy présenter et justifier sa candidature, l’impression s’imposait peu à peu irrésistiblement qu’il demandait moins un second mandat qu’une deuxième chance. L’objection surgissait alors, renforcée à chaque séquence de son argumentation : pourquoi n’a-t-il pas fait plus tôt ce qu’il nous annonce pour demain ? Toujours rétif au mea culpa, remplacé par la remarque anodine que « tout le monde fait des erreurs », il a tenté de s’en expliquer, à propos notamment de la question la plus sensible, la nouvelle politique du chômage, avec sa conséquence non plus seulement avouée mais désormais revendiquée : la fin de l’assistanat. Une révolution dans la culture sociale française de l’État-providence. C’est là encore, avec l’allègement du coût du travail, un emprunt à la réussite allemande : mieux vaut un travail moins payé et inconfortable qu’un chômeur à la maison financé par les transferts sociaux. Pourquoi le découvrir aujourd’hui seulement ?
Le président sortant invoque le manque de temps, la priorité donnée au sauvetage des retraites, la mise en place de l’autonomie des universités. En bon avocat, il invente qu’on lui reprochait à l’époque d’en faire trop pour justifier qu’il n’ait pas pu en faire assez.
Plus qu’un second mandat, il demande une deuxième chance.
En réalité, les sondages critiquaient surtout la dispersion vibrionnante de son hyperprésidence. François Fillon s’est montré plus sincère en regrettant à plusieurs reprises que le gouvernement n’ait pas agi dès 2007. La même incohérence s’est fait sentir comme une gêne tout au long du plaidoyer sarkozien. Puisque le chef de l’État était si désireux de rendre la parole à « la France dépossédée de ses pouvoirs » et qui « ne croit plus à rien », pourquoi ne pas avoir inauguré avec la réforme des retraites les nouveaux référendums qu’il propose pour faire arbitrer par le peuple tout blocage de société – une gageure dans le pays le plus bloqué d’Europe ? De même, fallait-il cinq années d’aggravation de la dette, dont deux seulement, rappelle sévèrement la Cour des comptes, sont attribuables à la crise, pour s’apercevoir qu’un pays « ne peut dépenser plus qu’il ne gagne » ?
Le temps n’est plus où Valéry Giscard d’Estaing se promettait lui aussi d’aller sur le terrain à la rencontre des Français, persuadé que les électeurs ne s’intéressent pas « à l’oeuvre accomplie, mais demandent à savoir ce qui les attend ». La crise a tout changé. Les tournées en France profonde de Nicolas Sarkozy s’annoncent au contraire comme une série de difficiles face-à-face où ses adversaires ne seront pas les seuls à opposer aux visions d’avenir du candidat le bilan moins glorieux du président. Dans son livre Témoignage publié pour sa candidature de 2007 (XO Éditions), Sarko écrivait prémonitoirement : « J’aime construire, agir, résoudre les problèmes. Je crois que tout se mérite et qu’au final l’effort est toujours payant. » Ce fut l’argument essentiel de sa victoire. C’est aujourd’hui l’obstacle principal à sa réélection.
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