Mohamed Lamari : requiem pour un « éradicateur »
Décédé le 13 février, l’ancien chef d’état-major de l’armée algérienne, Mohamed Lamari, s’était illustré par son opposition farouche à la réhabilitation des djihadistes.
Emporté le 13 février par une crise cardiaque à l’âge de 73 ans, le général de corps d’armée Mohamed Lamari, ancien chef d’état-major de l’armée algérienne, a été inhumé le lendemain au cimetière populaire de Ben Aknoun, sur les hauteurs d’Alger. La disparition de celui qui avait battu le record de longévité à la tête de l’institution militaire (juillet 1993-août 2004) ne devrait pas bouleverser les grands équilibres au sein du pouvoir, le défunt s’étant retiré de la vie publique depuis sa démission pour incompatibilité d’humeur avec le chef de l’État (il était farouchement opposé à la politique de réconciliation nationale prônée par Abdelaziz Bouteflika).
En revanche, les circonstances de son décès et le déroulement de ses funérailles ont battu en brèche bien des clichés. En premier lieu, celui sur sa présumée fortune. Longtemps présenté comme le plus puissant des généraux algériens qui « vampirisent l’économie nationale », Lamari, natif de Bab Djedid, au coeur de la Casbah d’Alger, a vécu ses derniers jours dans la modeste maison familiale, à Bordj Ben Azzouz, petite bourgade de la région de Biskra, d’où sont originaires ses parents. Ce village n’est pas vraiment la destination de rêve d’un retraité milliardaire censé posséder des intérêts dans les plus grandes entreprises privées du pays (Tonic Emballage, notamment), comme le prétendaient certains titres de la presse locale.
Cliché battu en brèche
Autre cliché battu en brèche : sa présumée impopularité. Proche des petites gens, disponible et humble, il était apprécié et respecté des habitants de Bordj Ben Azzouz. Il s’était d’ailleurs distingué au cours d’une conférence de presse, en 2002 (unique dans les annales de l’armée algérienne), en sortant de sa poche sa fiche de paie (98 000 dinars, soit à l’époque 1 300 euros) devant des journalistes médusés pour dénoncer une campagne de presse autour de la « fortune des généraux ».
Lamari fut un acteur déterminant de la grave crise politico-militaire qui a secoué l’Algérie au cours des années 1990. Janviériste (nom des chefs militaires qui avaient décidé d’interrompre le processus électoral en janvier 1992), il a toujours assumé son statut de chef de file des « éradicateurs », partisans de la solution militaire face à l’insurrection islamiste armée. « Sa conviction profonde était que les bigots et les tartufes en tout genre constituaient une sérieuse menace pour son peuple et son pays », témoigne Mustapha Laradji, l’un de ses amis d’enfance. Sans états d’âme, il prend la tête, en 1992, d’une task force de 15 000 hommes pour lutter contre les Groupes islamiques armés (GIA).
Lamari, ou le "non" à Bouteflika
Ses méthodes sont peu appréciées en Occident, où naît alors la fameuse formule du « Qui tue qui ? », imputant à l’armée les massacres commis par les islamistes et transformant Lamari en bourreau. Cette réputation ne l’empêchera pas, une fois à la retraite, de faire quotidiennement ses courses sans escorte ni aide de camp, négociant avec les vendeurs et plaisantant avec le chaland. Vu les milliers d’anonymes qui l’ont accompagné à sa dernière demeure, il était plus apprécié qu’on ne le laissait entendre.
Mohamed Lamari se sera distingué en disant deux fois « non » à Abdelaziz Bouteflika. La première fois pour rejeter un projet de professionnalisation de l’armée évoqué par le chef de l’État, la seconde pour lui signifier son hostilité à la réconciliation nationale. Il avait obtenu le maintien du statut populaire de l’armée et préféré partir quand le président a insisté pour qu’une paix des braves soit conclue avec les maquisards islamistes.
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