Contenu local : une priorité pour les pétroliers ?
Au cours de l’Africa Oil Week, aucune société pétrolière ne manque de mettre en avant sa politique de responsabilité sociale. Une salle d’une centaine de places était réservée pour une session parallèle sur ce thème.
Pendant toute la durée de l’Africa Oil Week, chaque présentation d’entreprise se termine invariablement par la même diapositive sur la responsabilité sociale et environnementale (RSE). Chacune se targue, sans doute à juste titre, de favoriser la formation de ses cadres, de construire des écoles et de consulter les autorités locales avant de forer un puits. Pourtant, à l’occasion d’une session parallèle sur le « local content » organisée dans une salle de plus petite taille par Protection Group International (PGI), une société de maîtrise des risques, on ne se bouscule pas. Tout au plus une quinzaine de personnes sont présentes, en majorité des représentants des médias. Autour de la table, pour animer le débat : Paul Boateng, un homme politique britannique d’origine ghanéenne, ancien député du Labour sous l’ère Tony Blair et « International Advisor » de PGI, Alastair Milne, vice-président pour l’exploration de la major Shell au sud du Sahara et, enfin, Barry Roche, le patron de PGI.
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Pour introduire son propos, Paul Boateng rappelle l’habituel reproche fait aux ressources naturelles, s’appuyant sur la Une d’une récente édition du quotidien économique sud-africain Business Day sur laquelle s’étale « Resource is a curse » (« Les ressources sont une malédiction »). Rien de bien nouveau dans le débat, mais Paul Botaeng semble prendre le problème à coeur. « Nous avons décidé de placer le transfert de technologie au coeur de notre modèle », explique-t-il. « On constate un sous investissement permanent de la part des gouvernements et des organismes caritatifs dans l’éducation. » Pire, insiste-t-il : « Les pays producteurs de pétrole ont moins dépensé en matière d’éducation que les pays non producteurs ».
Hausse des besoins de main d’oeuvre
Cependant, il y a une « bonne nouvelle » car on assiste selon lui à de nouveaux partenariats public-privé dans le domaine universitaire. Une réponse nécessaire à un cruel manque de main d’oeuvre qualifiée, identifié à la fois par Ernst & Young et PwC dans deux études récentes, comme le principal obstacle au développement de l’industrie pétrolière. La Banque africaine de développement et l’OCDE ont identifié la même menace. Le consensus est bien là. Il ne s’agit donc pas d’une démarche caritative de la part des entreprises, mais bel et bien d’une nécessité vitale car l’Afrique est, plus que toute autre région au monde, dépendante de personnel expatrié.
Comme le souligne Paul Boateng, « une crise présente à la fois des problèmes et des opportunités. L’opportunité, c’est de faire partie de la solution : cette industrie peut créer des emplois bien rémunérés, au bénéfice à la fois des actionnaires et des sociétés dans lesquelles elle intervient ». Pour cela, rien de plus simple : « Il faut développer des politiques d’achat local et promouvoir le local content« .
Le contenu local, un poids pour l’entreprise ?
C’est peu de dire que le discours ne convainc pas l’auditoire malgré l’énergie dégagée par Paul Boateng. L’un des rares industriels présents, basé au Gabon, se lance dans une diatribe contre l’incompétence des pouvoirs locaux et constate que les entreprises privées, aussi bien intentionnées soient-elles, ne pourront résoudre à elles seules les défauts de systèmes éducatifs entiers. Un journaliste prend le relais pour dénoncer le biais « néocolonial » de ce genre de politiques : « Les Africains sont les seuls à même de savoir comment ils veulent que leur gouvernement fonctionne », etc.
Les Africains sont les seuls à même de savoir comment ils veulent que leur gouvernement fonctionne.
Un autre ne manque pas de souligner que, un peu plus tôt dans la journée, une présentation réalisée par Global Pacific & Partners, les organisateurs de la conférence Africa Oil Week, a classé les exigences de contenu local comme l’un des freins au développement de l’industrie. À quoi Alastair Milne a une réponse toute préparée : « Nous voulons investir dans les pays pour plus de 50 ans et employer des locaux est bon pour nos affaires. Ce n’est un poids que si l’on nous demande de le faire du jour au lendemenain, mais nous le voyons comme un investissement social qui produira un bon retour sur investissement ». Paul Boateng souligne que les politiques de RSE permettent d’inviter les membres de la société civile dans les discussions avec le gouvernement, « une nouveauté ».
Pourtant, une autre journaliste, constatant le faible nombre de représentants présents dans la salle, ajoute, implacable : « Si c’est tellement important, pourquoi cette réunion n’a-t-elle pas lieu en assemblée pleinière ? ». Un autre industriel enfonce le clou : « Si un jour je suis amené à faire une présentation, je sais comment me différencier, tout le monde dit comme la RSE est importante pour leur groupe, mais le passe en dernière diapositive ; moi, je commencerais par là en disant ‘pour nous, c’est vraiment important’. »
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