Pourquoi la candidature Espagne-Portugal-Maroc à la Coupe du monde 2030 pourrait rafler la mise
Le trio méditerranéen devra affronter une candidature sud-américaine et, peut-être, celle composée de l’Arabie saoudite, de la Grèce et de l’Égypte.
Mohammed VI n’était pas présent à Kigali, le mardi 14 mars, pour recevoir un prix décerné par la Confédération africaine de football (CAF), en amont du Congrès de la Fifa qui a vu Gianni Infantino être réélu le surlendemain pour un mandat de quatre ans. Mais le souverain marocain a fait passer un message qui n’est pas passé inaperçu, par l’intermédiaire de Chakib Benmoussa, le ministre de l’Éducation nationale, du préscolaire et des Sports et qui le représentait au Rwanda. Ce dernier a en effet annoncé que le royaume s’était associé avec l’Espagne et le Portugal pour accueillir la Coupe du Monde 2030.
Dans un premier temps, les Espagnols et les Portugais avaient envisagé, en octobre 2021, d’associer l’Ukraine à leur candidature. Mais l’invasion du pays par la Russie en février 2022 et les incertitudes pesant sur la durée de la guerre lancée par Vladimir Poutine ont modifié les plans initiaux. En effet, la Fifa annoncera courant 2024 qui organisera ce Mondial 2030, et l’instance ne peut évidemment pas prendre le risque de confier à un pays qui sera en 2024 potentiellement en guerre des matches de Coupe du Monde.
Hormis la candidature composée du trio Espagne-Portugal-Maroc, la FIFA a pris acte de celle du quatuor sud-américain Argentine-Chili-Paraguay-Uruguay. En revanche, celle évoquée en septembre dernier et réunissant l’Arabie Saoudite, l’Égypte et la Grèce n’a pas encore été déposée.
Un Mondial à 48 équipes qui change la donne
Le Maroc, qui avait postulé pour les éditions 1994, 1998, 2006, 2010 et 2026, sait que ses chances d’accueillir une Coupe du Monde sont renforcées dans le cadre d’une candidature tripartite. En effet, à partir de 2026, la compétition concernera 48 sélections (contre 32 en 2022 au Qatar), pour une durée de plus de cinq semaines et un total de 104 matches, soit 40 de plus que pour un tournoi à 32. Avec un tel format, il sera de plus en plus difficile pour un seul pays, à quelques exceptions près, de répondre aux nouvelles exigences imposées par la Fifa. Ainsi, pour l’édition 2026, qui aura lieu aux États-Unis, au Mexique et au Canada, seize stades (11 aux États-Unis, trois au Mexique et deux au Canada) ont été retenus dans autant de villes.
Sur le papier, le dossier méditerranéen est séduisant. Les trois pays sont très proches géographiquement, entretiennent de bonnes relations diplomatiques, sont facilement accessibles, et réputés sûrs et stables politiquement. Ils sont également très bien dotés en hôtels (les trois États sont des destinations touristiques très prisées) et en hôpitaux, les réseaux de transports et de communication sont modernes et efficaces, de même que les infrastructures sportives. Le Maroc dispose de plusieurs stades aux normes Fifa (40 000 places minimum) : Agadir, Fès, Marrakech, Tanger, Rabat, Casablanca. C’est également le cas de l’Espagne, avec trois enceintes à Séville, deux à Madrid et Barcelone, et d’autres à Valence, Bilbao, et du Portugal (deux à Lisbonne, une à Porto), d’autres, plus petites, pouvant être agrandies.
La candidature sud-américaine semble plus complexe. Quatre pays, dont les économies ne sont pas florissantes, des territoires immenses et donc des voyages longs et coûteux pour les supporters, le tout à une période de l’année (juin-juillet) où les températures, hiver austral oblige, sont froides. « C’est une candidature romantique, souligne Vincent Chaudel, président de l’Observatoire du Sport Business. L’Amérique du Sud est une terre de foot et la première Coupe du Monde a eu lieu en Uruguay, un des quatre pays concernés, en 1930. Ce serait beau et symbolique, mais il y a surtout des considérations économiques à prendre en compte. »
« Ce sont les Européens qui dépensent le plus en droits de retransmission télé pour un Mondial, et ces droits télé sont une source de revenus essentielle pour la Fifa. Or, une Coupe du Monde en Amérique du Sud, ce sont des horaires peu compatibles pour les téléspectateurs européens, qui devront déjà s’adapter pour l’édition 2026. C’est pour cela que la candidature Espagne-Portugal-Maroc a beaucoup d’atouts. »
Argument financier
Gianni Infantino, le président de la Fifa, le sait, mais ses relations exécrables avec le Slovène Aleksander Čeferin, le patron du football européen, sont aussi à prendre en compte. « L’UEFA génère 15 milliards de dollars de chiffre d’affaires par an, contre 7,5 milliards pour la Fifa, qui prévoit de passer à 11 milliards. C’est pour cela qu’Infantino, qui avait certes promis une Coupe du Monde aux Sud-Américains, n’est pas insensible à une candidature Arabie Saoudite-Grèce-Égypte, qui reposerait surtout sur les Saoudiens, dont la puissance économique est immense », poursuit Vincent Chaudel.
Le choix des pays qui organiseront la Coupe du Monde 2030 se jouera également dans les coulisses. Le Maroc devrait attirer une grande majorité des voix africaines, grâce à la diplomatie sportive du royaume, qui a notamment abouti à la signature de 45 partenariats avec des fédérations subsahariennes.
« Il aussi se souvenir que Čeferin et plusieurs pays européens avaient voté pour le Maroc pour l’édition 2026, intervient un ancien membre de la Fifa sous couvert d’anonymat. La candidature Espagne-Maroc-Portugal va recueillir beaucoup de voix en Europe, en Afrique, et potentiellement en Asie. Mohammed VI a réussi un très beau coup en associant son pays à l’Espagne et au Portugal. Si l’Arabie Saoudite est candidate avec la Grèce et l’Égypte, il ne faut pas négliger une chose : les alliés du Maroc ne feront aucun cadeau aux Saoudiens, qui avaient voté pour le trio États-Unis-Canada-Mexique pour 2026. Ils ne l’ont pas oublié. Enfin, l’Égypte et la Grèce pèsent très peu en Afrique et en Europe. »
Le verdict sera connu au cours de l’année 2024…
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