Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré veut contrôler son image
Certaines utilisations de l’image du président de la transition burkinabè seront désormais soumises à autorisation. Que doivent comprendre les photographes de presse ?
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 16 mars 2023 Lecture : 2 minutes.
Dès sa prise de pouvoir, le 30 septembre dernier, le discret capitaine burkinabè Ibrahim Traoré a vu les curieux se ruer sur de vieilles photographies, clichés peu solennels, copiés-collés sur les réseaux sociaux, captés parfois dans des rues occidentales, avec un blouson de cuir digne du premier Olympia de Tabu Ley Rochereau. Qu’à cela ne tienne, les premières apparitions du « I.B » putschiste susciteront un culte instantané de la personnalité –et ses versions enamourées–, fascination à faire pâlir d’envie le déchu Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui qui inspirait plutôt raillerie pour ses formules ampoulées.
Bombardé sankariste, et même quasi réincarnation de Thomas Sankara, le nouvel homme fort démontrera, par sa bienveillance à l’égard de manifestations de soutien, l’approbation d’un mythe en construction. Nourrie d’un verbe sentencieux, l’adulation propagandiste a son corollaire iconique. Et le héraut de la reconquête territoriale d’imposer un look aussi constant que celui des personnages de bande dessinée : la tenue militaire à béret rouge qui surligne le caractère prioritairement sécuritaire de sa mission et conjure le sort du costume-cravate porté par son prédécesseur, à New York, peu de temps avant sa chute.
Masque
Le détail qui fera la griffe d’IB sera le masque qui ne manquera pas de faire couler de la salive. Les complotistes pourraient y voir l’occasion de recruter des sosies à la ressemblance approximative, tandis que les malentendants pourraient se désespérer de ne pouvoir lire sur les lèvres présidentielles. Certains furent déçus de ne pas voir le reflet de l’âme qu’est le visage, à une prestation de serment qui pouvait ressembler à un manque de respect pour des membres du Conseil constitutionnel déjà malmenés.
Côté encre, les auteurs de lettre ouverte n’éluderont pas le détail du masque. Pour l’écrivain Adama Ouédraogo, ce dernier marque un manque d’originalité vis-à-vis du voisin Assimi Goïta. Pour le sociologue-communicateur homonyme du chef de l’État, il pourrait éviter que l’actuel président soit « empoisonné comme Daniel Ouezzin Coulibaly », l’un des quatre héros nationaux dont la rumeur de l’assassinat n’a pourtant jamais été validée. Le masque aurait donc quelque chose du geste barrière…
Récupération « griotte »
Désireux de contrôler l’image d’I.B., la direction de la communication et des relations publiques de la présidence du Faso a publié, ce 15 mars, un communiqué qui constate son utilisation « abusive et sans autorisation préalable (…) pour des affiches et des spots publicitaires » dans le cadre de l’organisation de « manifestations, événements ou activités ». Cette préoccupation peut traduire une saine volonté d’éviter la récupération « griotte », les fake news et autres deepfakes. Elle pourrait également dissimuler une tentation de marchandisation, à la manière des ayant-droits de Che Guevara qui bâtirent la légende du révolutionnaire christique.
Plus incongru pourrait paraître l’appel à une demande d’autorisation, lorsque celle-ci dépasse le cadre des « institutions et Organisations de la société civile (OSC) » pour concerner les « médias ». L’image d’une personne publique peut être utilisée, sans son autorisation, à des fins d’information. Mais le communiqué de la présidence évoque bien les « fins de spot, affiche ou tout autre outil de communication »…
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