Stany, le producteur franco-congolais à qui Gims et DJ Snake doivent leur succès
Il a officié loin des projecteurs en produisant les tubes des plus grands de la scène urbaine pendant plus de dix ans. À 35 ans, ce faiseur de hits signe chez Universal en son nom et dévoile ses premiers titres, à la croisée de la rumba et de l’électro.
Ruelles de Soweto, en Afrique du Sud. Une bande de gamins, bob coloré vissé sur la tête, dansent sur des rythmiques mêlant house, baile funk et afropop parmi une foule de quidams exaltés. Ce sont les Ghetto Kids, moyenne d’âge 8 ans. Cette troupe de danseurs issue des bidonvilles de Katwe, à Kampala, en Ouganda, fait bouger le continent et agite les réseaux sociaux à coups de vidéos virales depuis sa création en 2014. Si leurs bouilles enfantines sont familières, un autre visage l’est moins dans ce clip intitulé Pi ! Pou !. C’est celui de Stany, qui signe ici un morceau résolument festif. Un morceau « puisant ses sonorités dans tout l’hémisphère sud, de l’Amérique latine à l’Afrique », indique l’auteur de ce tube en puissance, dans les studios parisiens d’Universal, sa nouvelle maison de disques.
Influence Cut Killer
Pourtant, à 35 ans, ce fils d’un père congolais – de Kinshasa – et d’une mère française n’est pas un inconnu de l’industrie musicale. Il est à l’origine des plus gros tubes de son compatriote Maître Gims. « L’une des plus belles collaborations que j’aie jamais eues. Ce mec est le plus talentueux de sa génération et l’une des plus belles voix, assure le compositeur de Ma direction, sorti en 2012. Je l’ai rencontré fin 2009, dans un Mc Do. Là, je lui ai fait écouter cette instru et il a fait tous les refrains. Puis toute la Sexion d’Assaut est venue se greffer au morceau. On a ensuite enchaîné les singles ensemble », se souvient le producteur autrefois crédité « Stan-E ».
Mais c’est surtout aux côtés du franco-algérien DJ Snake que le bidouilleur du son fait ses classes. Le premier est vendeur dans un magasin de vinyles campé à Châtelet, dans le centre de Paris, et le second vient acheter ses premières galettes pour mixer. « On devait être au collège, en 3e peut-être. Snake vendait des disques de Jay-Z, Pitbull… On était en plein âge d’or du hip hop, de grandes émissions dédiées au genre passaient à la radio ».
On a réalisé de telles performances et des scores tellement hauts que j’ai eu le sentiment d’avoir accompli ma mission
Le déclic s’appellera Cut Killer, DJ français d’origine marocaine assimilé à la radio Nova, qui a véritablement impulsé le mouvement du Djing et des scratches en France. « On a tous eu envie de faire comme lui », rembobine l’ex-gamin de la banlieue est, qui, à 11 ou 12 ans déjà, bricole ses premiers mix dans sa chambre sur cassettes et CD, avant que son frère aîné ne lui offre sa première platine. Nous sommes à l’aube des années 2000.
École Skyrock
Quand ses camarades vont à l’étude, Stany Kibulu, de son nom complet, préfère squatter les plateaux de radios, comme celui de l’émission culte de l’époque, B.O.S.S., animée par Joey Starr et DJ Spank sur Skyrock. « J’allais à l’émission tous les jeudis jusqu’à minuit, alors que j’avais école le lendemain. La salle de classe, c’était pas vraiment mon truc, avoue-t-il. Je n’étais pas mauvais, mais disons que la musique l’a emporté sur le reste. »
Stany contribue à l’élaboration des plus grands tubes estampillés « reggaeton » de Snake, allant de Let me love you (en featuring avec Justin Bieber) en 2016 à Loco Contigo en 2019, en passant par Taki Taki (feat Selena Gomez, Ozunaez et Cardi B) en 2018, certifié disque de diamant en France et trois fois disque de platine aux États-Unis, avec un million de ventes et de streams. Des chiffres à donner le tournis. « On a réalisé de telles performances et des scores tellement hauts en termes de ventes, de dates, que j’ai eu le sentiment d’avoir accompli ma mission. J’avais fait le tour », concède-t-il.
J’introduis mes racines subtilement dans ma musique
Mars 2020, le monde est sous cloche en raison de la pandémie et Stany s’enferme dans ses studios de Bagnolet, en région parisienne. Il produit beaucoup et revient aux classiques de la rumba congolaise qui ont bercé son enfance, en les mariant à d’autres influences, à l’instar de la dance music européenne. « Mon père était fan de la black music. Il écoutait autant les morceaux de Papa Wemba et Franco quand il recevait les tontons et tantines le week-end que Marvin Gaye, Bob Marley, Michael Jackson… Tous ces univers ont façonné mon style. »
Pas question pour ce mixologue du son de verser dans la facilité des grosses tendances afro comme l’amapiano ou l’afrobeats. Même lorsqu’il décide de s’associer à la star nigériane du moment, Rema, et au digne représentant de la trap music, le rappeur africain-américain Offset, le temps du morceau Only you (plus de sept millions de streams dans le monde), sorti en octobre 2022 et signé en son nom, donc.
Une collaboration au croisement de trois continents qui relève de l’inédit dans le paysage de la musique afro contemporaine. « Je voulais absolument faire un truc avec Rema, qui est lui-même fan d’Offset. Il est jeune, frais, il a une bête de dynamique. Il a improvisé son couplet en une heure, comme un Dadju peut le faire », glisse ce métis, fier de ses origines. « J’introduis mes racines subtilement dans ma musique », revendique Stany. Comme lorsqu’il décide de puiser dans « les vibes de Kanye West » et d’inviter une chorale de gospel repérée à New York à chanter sur ses beats afro-électro. Un titre baptisé Don’t give up, qui verra le jour au courant du printemps.
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