Bourses africaines : les stars de la cote

Dans un classement exclusif, « Jeune Afrique » dresse la liste des valeurs africaines les plus performantes de ces cinq dernières années. De quoi attirer les investisseurs. Problème : s’ils sont intéressés, ils n’en sont pas moins (trop) prudents.

Zimbabwe Stock Exchange, Harare. © Philimon Bulawayo/Reuters

Zimbabwe Stock Exchange, Harare. © Philimon Bulawayo/Reuters

Publié le 11 décembre 2013 Lecture : 8 minutes.

Pour les investisseurs, l’Afrique est le continent de tous les superlatifs. Le plus risqué aujourd’hui encore, mais le plus rémunérateur et, surtout, le plus prometteur. « De 2000 à 2010, six des [15] économies affichant la croissance la plus rapide au monde étaient africaines », s’enthousiasme Mark Mobius, président exécutif du Templeton Emerging Markets Group – l’un des investisseurs les plus reconnus sur les marchés émergents – dans la lettre interne de son fonds.

L’Afrique, espace à conquérir par excellence, fait étinceler les yeux d’un nombre croissant d’investisseurs depuis quelques mois. En toute logique, ses places financières devraient être de véritables aimants à capitaux. C’est pourtant loin d’être le cas.

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African Alliance est un courtier panafricain.Dans leur ensemble, la vingtaine de Bourses africaines actives forme un acteur de la taille de la Bourse suisse ou australienne – près de trois fois plus petit que Londres et plus de dix fois plus petit que le New York Stock Exchange. « Même si les occasions d’investir sont nombreuses, il existe des problèmes d’accès aux marchés », avance Mark Mobius, qui juge quelques pays seulement – le Nigeria, le Kenya, l’Égypte et le Ghana – capables de tirer leur épingle du jeu.

Question de tailles

Pour ce gestionnaire d’actifs de classe mondiale, l’un des grands problèmes est qu’ »en dehors de l’Afrique du Sud, les marchés actions sont relativement petits et que de nombreux actifs clés restent entre les mains de l’État et d’actionnaires privés, et ne sont généralement pas cotés en Bourse ». De fait, les places africaines sont loin de présenter un visage homogène.

Découvrez le classement exclusif de Jeune Afrique : 

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Le courtier panafricain African Alliance a réalisé pour Jeune Afrique un classement exclusif des valeurs cotées africaines les plus performantes*.

Sa base de données inclut 829 sociétés cotées sur les 2000, environ, que compte le continent.

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– Les stars de la cote : les 50 meilleures performances totales

Retrouvez les 50 valeurs boursières ayant affiché les meilleures performances totales annuelles en %, sur les 5 dernières années. La performance totale annuelle inclut la progression annuelle du cours et le versement de dividendes. Le classement est disponible ici.

– Les stars de la cote : les 50 stars des cours

Retrouvez les 50 valeurs boursières ayant affiché les meilleures progressions totales annuelles de leur cours de bourse (en %), sur les 5 dernières années. Cette progression n’inclut pas les dividendes. Le classement est disponible ici.

– Les stars de la cote : les 50 stars des dividendes

Retrouvez les 50 valeurs ayant affiché les meilleurs dividend yield sur les 5 dernières années. Le dividend yield est le rapport entre les bénéfices versés aux actionnaires (les dividendes) et le cours de bourse. Le classement est disponible ici.

*Données arrêtées au 31 octobre 2013.

Le poids du Johannesburg Stock Exchange (JSE) est ainsi écrasant. Avec près de 400 compagnies cotées sur 1 500 environ à l’échelle continentale, l’Afrique du Sud s’impose comme le leader incontestable. Ses 1 000 milliards de dollars (756,5 milliards d’euros) de capitalisation fin 2012 représentent 65 % de la capitalisation totale du continent selon l’Association des Bourses africaines (Asea).

Mais les autres acteurs non plus ne sont pas sur un pied d’égalité : outre le JSE, seules trois Places ont pour l’instant été admises au sein de la World Federation of Exchanges (WFE) : Maurice, l’Égypte et le Maroc.

Insuffisances

Ce décalage entre l’intérêt des investisseurs et la relative faiblesse des Bourses est essentiellement lié aux insuffisances de ces dernières. « Dans l’idéal, les investisseurs en actions cotées recherchent des marchés avec une forte liquidité, de nombreuses entreprises cotées et de hautes normes de gouvernance. Or, sur beaucoup de places africaines, l’ensemble de ces critères n’est pas réuni », regrette Rory Ord, qui dirige RisCura Fundamentals, acteur de conseil en investissement sud-africain, dans son rapport « Bright Africa » publié cette année.

À l’en croire, même pour ceux qui souhaitent miser sur la croissance des économies africaines, les Bourses ne sont pas forcément la panacée, car elles sont loin d’être une image fidèle des économies. Les banques et les opérateurs télécoms sont ainsi très présents parmi les grandes valeurs cotées du continent, tandis que l’agro-industrie, si l’on excepte les brasseurs, est largement absente, en dépit de son poids économique fondamental en Afrique.

Décorrélations entre Bourses et PIB

« Ces marchés sont relativement jeunes, affichent des volumes d’échanges assez bas et peu de valeurs cotées », explique le rapport, qui compare la composition du PIB et de la Bourse dans différents pays. S’ils correspondent plutôt bien en Afrique du Sud, en Égypte, la Bourse – deuxième en nombre de compagnies – surreprésente les acteurs financiers, qui rapportent moins de 10 % du PIB mais comptent pour près de 30 % de la Place.

L’exemple du Nigeria est encore plus frappant. La décorrélation entre la part réelle des différents secteurs dans l’économie et leur importance en Bourse est quasiment complète puisque celui de l’énergie, qui contribue à hauteur de 40 % au PIB national, est presque totalement absent du Nigerian Stock Exchange.

De larges pans des économies n’ont pas recours à la Bourse pour se financer, ce qui rend la taille des institutions problématique in fine. Le nombre d’introductions est très faible et, souvent, les Places sont dominées par quelques valeurs phares – au Nigeria, par exemple, le groupe Dangote pèse à lui seul un tiers de la Bourse de Lagos. À la fois cause et conséquence de ces faiblesses structurelles, l’insuffisance des échanges ralentit le développement des marchés boursiers : dans la plupart, les transactions quotidiennes ne s’élèvent qu’à quelques millions d’euros…

Modernisation

Relations Investisseurs : La nounou des actionnaires

Ecobank James Etheringtonfloat: left;" />Depuis juillet, il est l’un des hommes d’Ecobank en première ligne face à la déstabilisation du groupe bancaire panafricain. James Etherington (photo), pourtant, n’est pas connu du grand public. À propos des articles à charge parus dernièrement dans le prestigieux quotidien britannique Financial Times, le responsable des relations investisseurs concède juste qu’ils « ont rendu le travail plus intensif encore ».

Actionnaires. Un euphémisme pour un homme qui voyage presque deux semaines par mois. « Nous avons compris qu’il nous fallait nous engager davantage auprès des dix ou vingt principaux actionnaires du groupe qui n’ont pas de place au conseil d’administration mais qui se sont régulièrement adressés à nous pendant cette période pour comprendre ce qui se passait », raconte le Britannique, ancien banquier d’affaires.

Dialogue. Avec Ato Arku, son collègue installé au Togo tandis que lui-même est basé à Londres, James Etherington exerce un métier encore bien rare sur le continent : entretenir le dialogue avec les actionnaires de la banque cotée depuis 2006 sur les Bourses d’Accra, de Lagos et d’Abidjan. Soit, depuis le rachat d’Oceanic Bank au Nigeria, l’équivalent de 600 000 interlocuteurs.

Maximiser. « Le département a été créé en 2006 par Ato, qui s’était aperçu qu’Ecobank n’en disposait pas, tout comme la plupart des sociétés cotées en Afrique à l’époque, explique-t-il. Notre rôle est de communiquer de manière claire et cohérente avec les actionnaires et, du coup, de maximiser la valeur du cours de Bourse. Avoir un département relations investisseurs efficace est un bon moyen de se différencier. »

Cinquante. Sur les trois derniers mois, James et Ato ont organisé une cinquantaine de rencontres avec des investisseurs à Londres, Dubaï ou au Cap. Une journée spécialement consacrée aux analystes et épargnants a été organisée en début d’année – une première. Et la recette fonctionne : en un an, le cours de Bourse du groupe a bondi de 45 % à Abidjan et de 63 % à Accra !

Frédéric Maury

Motivées par l’intérêt qu’elles suscitent désormais à travers le monde, ces Bourses ont toutefois entamé un grand mouvement de modernisation. La plupart d’entre elles ont adopté un système de passage d’ordres électronique. Le Zimbabwe, qui fonctionne encore à la criée, compte émettre prochainement des actions de son opérateur de marché et lever ainsi les fonds nécessaires à ce virage technologique.

Ailleurs, c’est le Nigeria, qui vise officiellement les 1 000 milliards de dollars de capitalisation dans dix ans (contre 70 milliards actuellement), qui a récemment adopté la plateforme de trading X-Stream du Nasdaq pour accélérer les vitesses d’exécution. Au Nigeria toujours – mais aussi au Maroc -, les régulateurs ont également entrepris de faire respecter les règles normatives, notamment la diffusion par les entreprises cotées de leurs informations financières, sous peine de sanctions – une mesure cruciale pour la crédibilité des institutions boursières.

Compartiments PME

Pour que le nombre de sociétés cotées augmente, plusieurs Places ont créé des compartiments consacrés aux PME, avec des règles de fonctionnement plus souples et des coûts plus bas. Le Kenya a ainsi ouvert en 2013 sa Bourse aux PME. Sur ce nouveau segment, il est possible de n’ouvrir que 15 % de son capital à un minimum de 25 investisseurs (contre 100 sur le segment alternatif et 1 000 sur le segment principal), sans même avoir besoin d’enregistrer des profits.

La Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) y travaille également. Enfin, les projets de rapprochement en cours – entre la BRVM, Accra et Lagos notamment – pourraient contribuer non seulement à établir des espaces d’investissement suffisamment larges pour intéresser les grands fonds, mais également à gommer le décalage persistant entre le dynamisme boursier de l’Afrique francophone et celui de la zone anglophone.

Ces efforts commencent à payer. Les performances des Bourses africaines sont plutôt convaincantes ces dernières années. L’indice de la BRVM est en hausse de 42 % sur deux ans, le Case 30 égyptien de 39 %, l’indice kényan de 84 % et le nigérian de 80 %… Seuls le Maroc et la Tunisie marquent le pas.

Les classements exclusifs réalisés par African Alliance pour Jeune Afrique, à partir de 829 valeurs cotées sur le continent (soit environ la moitié de sa capitalisation) et présentés dans l’encadré, confirme en partie cette bonne santé.

Plus d’une centaine de valeurs ont ainsi affiché une performance cumulée (augmentation du cours de Bourse et moyenne des dividendes, cette part des bénéfices versée directement aux actionnaires) supérieure à 20 % par an depuis novembre 2008 ! Environ 30 % de l’échantillon a dépassé les 10 % de performance annuelle…

Sur un continent qui raffole des dividendes, les épargnants ont également été gâtés. Plus de 150 entreprises cotées ont versé chaque année depuis cinq ans plus que l’équivalent de 5 % de leur cours de Bourse à leurs actionnaires. La performance est donc là. L’intérêt des investisseurs aussi. Reste à transformer l’essai en favorisant le développement de véritables marchés financiers africains.

Bourses africaines : 336 perdants

Les Bourses africaines ont beau, dans leur ensemble, avoir affiché des performances très satisfaisantes ces cinq dernières années, 336 valeurs (sur les 829 de la liste établie par notre partenaire African Alliance) ont enregistré des évolutions négatives durant cette même période. Parmi elles, on compte de nombreuses valeurs zimbabwéennes, mais pas seulement. Ecobank, le groupe panafricain en plein développement, a ainsi enregistré une contre-performance annuelle de – 11,22% en moyenne depuis octobre 2008.

Sept autres valeurs cotées à la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) ont également été dans le rouge, tout comme 32 titres enregistrés à Casablanca – qui vient de traverser quelques très difficiles années en termes de liquidités et de performances boursières – et 13 valeurs tunisiennes… Parmi elles, les deux principales capitalisations maghrébines : Maroc Télécom et Poulina.

Preuve qu’en Afrique comme ailleurs, le stock-picking (la sélection des valeurs selon leur potentiel intrinsèque et non selon leur lieu de cotation) reste fondamental. F.M.

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