Côte d’Ivoire : journalistes sous surveillance

La Côte d’Ivoire a perdu 41 places dans le classement de Reporters sans frontières (RSF). Le conflit postélectoral y est pour quelque chose, mais pas seulement.

Le 30 novembre 2011, à Abobo. À la une de la presse : le transfert de Gbagbo à La Haye. © Issouf Sanogo/AFP

Le 30 novembre 2011, à Abobo. À la une de la presse : le transfert de Gbagbo à La Haye. © Issouf Sanogo/AFP

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Publié le 22 février 2012 Lecture : 2 minutes.

« Bientôt, nous allons lutter contre ce genre d’articles. Ce ne sont pas les moyens qui nous manquent. On est fatigués de vous. » La menace est claire et l’auteur, anonyme. Ce jour-là, Le Quotidien d’Abidjan, proche du Front populaire ivoirien (FPI, de Laurent Gbagbo), publie une liste de cadres du Nord nommés dans l’administration par le président ivoirien Alassane Ouattara – lui-même originaire du Nord -, et le téléphone d’Allan Aliali, directeur de la publication, n’arrête pas de sonner.

Souvent marqués politiquement, les journalistes ivoiriens sont habitués aux menaces. La spectaculaire chute de leur pays dans le classement de Reporters sans frontières (RSF) sur la liberté de la presse ne les a pas surpris. Dans son palmarès 2011-2012, dévoilé le 25 janvier, l’ONG place la Côte d’Ivoire au 159e rang sur 179, alors qu’elle était 118e sur 178 en 2010.

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Pour RSF, ce recul est lié au conflit post­électoral. Les violations ont atteint leur paroxysme entre décembre 2010 et avril 2011 : attaques armées contre les médias d’État, suspension forcée de journaux pro-Ouattara, meurtre d’un employé de Notre voie (pro-FPI), etc. Mais elles n’ont pas cessé après la capture de Laurent Gbagbo. Accusées d’avoir éliminé Sylvain Gagnétaud, un journaliste favorable au président sortant, les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI) ont saccagé plusieurs rédactions et occupé longuement le siège de Notre voie. Comme ce dernier, introuvable entre le 11 avril et le 23 mai, les titres pro-Gbagbo n’ont pas pu paraître pendant plusieurs semaines.

La liberté a une certaine frontière. On ne parle plus de liberté quand elle transcende certaines valeurs.

Hamed Bakayoko, ministre ivoirien de l’Intérieur

« Plus rien ne sera comme avant », avait prévenu, le 3 mai, Hamed Bakayoko, ministre de l’Intérieur – et fondateur du quotidien Le Patriote. « La liberté a une certaine frontière. On ne parle plus de liberté quand elle transcende certaines valeurs. Des gens avaient pensé que l’impunité était sans limite. » Un blanc-seing aux forces de l’ordre et aux hommes de loi ? En tout cas, les interpellations se sont multipliées. Arrêté le 31 janvier, le directeur de publication du Patriote, Charles Sanga, a ainsi été détenu une journée dans les locaux de la Direction de la surveillance du territoire. Les enquêteurs voulaient identifier une de ses sources.

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En dépit de ces pratiques, la tension a baissé et Mam Camara, président de l’Union nationale des journalistes de Côte d’Ivoire (UNJCI), se veut optimiste. « Ce recul [dans le classement de RSF, NDLR] est un signal en direction des autorités, qui doivent veiller à ce que la presse soit libre et indépendante, estime-t-il. Le chef de l’État s’y est engagé lors des échanges de voeux avec la presse. J’ai bon espoir. » Rendez-vous donc en 2013.

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