Qatar : médias, sport et culture… le tiercé gagnant
Le Qatar ne manque pas d’atouts pour rayonner dans le monde. L’émirat a compris très tôt que les influences économique et culturelle devaient aller de pair s’il voulait rivaliser avec les plus grandes nations.
Qatar : l’émirat insatiable
Aucune stratégie de conquête diplomatique d’envergure n’est possible sans avoir pour relais un puissant empire médiatique. Le Qatar l’a compris mieux que tout autre. En 1996, après avoir renversé son père, Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani crée Al-Jazira (« la péninsule »). La nouvelle chaîne, qui émet dans 35 pays et 24 heures sur 24 à partir de 1998, se veut indépendante et prétend incarner la voix de la rue arabe plutôt que celle de ses élites gouvernantes. Grâce à sa couverture de la guerre en Afghanistan, d’Al-Qaïda, puis, plus récemment, du Printemps arabe, Al-Jazira est devenu un concurrent des plus grandes chaînes internationales d’informations et a fait émerger toute une génération de journalistes arabes pointus. En 2006, le lancement d’Al-Jazira English a placé le groupe qatari au même niveau que les célèbres CNN ou BBC.
Al-Jazira, l’étendard sur l’écran
Après Al-Jazira Balkans en 2011, seront bientôt lancées une chaîne en turc et une autre en swahili. En février 2011, Al-Jazira Satellite Network a acquis la chaîne turque Cine 5, pour un montant de 30 millions d’euros ; le groupe entend bien, selon le chercheur Hasni Abidi, se faire une place « dans ce pays pivot entre l’Europe et le monde arabe. La Turquie est une puissance régionale qui inspire les nouvelles démocraties d’Afrique du Nord ». Quant au swahili, cela permet de mettre un premier pied en Afrique, terrain de jeu encore peu concurrentiel mais déjà convoité par les investisseurs chinois, américains et français (TV5 et France 24).
Des rumeurs annoncent pour bientôt des chaînes en espagnol, en portugais et… en français. Cela paraît logique. L’Afrique francophone constitue un marché en devenir, et, en France, la population d’origine maghrébine s’intéresse à l’actualité du Maghreb et du Moyen-Orient. L’offensive ne fait que commencer…
Football, moto, hippisme, le Qatar dans la cour des grands
Il y a quelque temps encore, le sport qatari ne suscitait qu’indifférence et raillerie. Point de chute pour footballeurs vieillissants – le Brésilien Sonny Anderson, l’Argentin Gabriel Batistuta – au début des années 2000, la Qatar Stars League ne passionnait guère les amoureux du ballon rond. Les ambitions de puissance du petit émirat prêtaient également à sourire quand le Qatar recrutait des athlètes, notamment kényans. Mais depuis, les règles de changement de nationalité ont été revues par la Fédération internationale d’athlétisme. Et une nouvelle image du sport qatari s’est imposée.
Le Mondial 2022 se jouera dans des arènes climatisées et, après la compétition, des stades seront démontés pour être rebâtis dans des pays d’Afrique.
Point d’orgue, l’attribution de la Coupe du monde de football 2022, avec comme flamboyant ambassadeur un certain Zinédine Zidane. Les mauvaises langues, parmi les candidats perdants, ont relayé les rumeurs de corruption. Mais on retiendra que ce Mondial se jouera dans des arènes climatisées et que, après la compétition, des stades seront démontés pour être rebâtis dans des pays d’Afrique.
Qui arrêtera le formidable appétit du Qatar ? En décrochant, en décembre 2011, les droits de retransmission en France de la majorité des matchs de la Ligue des champions européenne – après avoir déjà raflé la Ligue 1 française -, Al-Jazira a suscité la polémique. L’émirat a récemment racheté le club du Paris Saint-Germain, promettant des titres et des stars à grand renfort de pétrodollars.
Doha déploie aussi son ambition sur les circuits de sports mécaniques. Depuis 2004, le Qatar accueille une étape du championnat du monde Moto GP, devenue en 2008 la première course de nuit de l’histoire de cette compétition. L’objectif à terme est d’accueillir la Formule 1, avec pour ambassadeur Nasser Saleh al-Attiyah, vainqueur du rallye Dakar 2011.
Au-delà des perspectives d’affaires qu’ouvre le foot-business, l’émir entretient une passion sincère pour les pur-sang. Son haras d’Al Shaqab est l’un des plus réputés au monde. Cheikh Hamad Ibn Khalifa Al Thani s’est même offert le luxe de sponsoriser, jusqu’en 2022, le prix de l’Arc de Triomphe à Paris, la plus chic des courses équestres.
Musées, des projets pharaoniques
Faire de Doha un carrefour de la culture au milieu du désert… C’est le projet fou – mais en passe de se réaliser – des autorités. Contrairement à Abou Dhabi, qui attire sur son sol les prestigieux musées du Louvre ou du Guggenheim, le Qatar mise sur la culture arabo-islamique. Au départ, c’est Saoud Ibn Mohammed Al Thani, cousin de l’émir et ancien ministre de la Culture, qui a lancé une pharaonique politique des musées. Ce grand collectionneur d’art a recruté le célèbre architecte américano-chinois Ieoh Ming Pei pour imaginer le Musée d’art islamique de Doha, inauguré en 2008 pour un coût estimé à 350 millions de dollars. Inspiré de la mosquée d’Ahmad Ibn Touloun, au Caire, il s’étend sur 45 000 m2 et couvre treize siècles d’art islamique. Pour Cheikha Al Mayassa Bent Hamad Al Thani, présidente de l’Autorité des musées du Qatar et fille de l’émir, « ce musée met en relief le rôle de la civilisation musulmane dans le rapprochement entre les cultures ».
En 2010, c’est le Mathaf, le Musée arabe d’art moderne, qui a été inauguré. Pour la première fois, une institution rassemble les oeuvres des plus grands peintres arabes, jusque-là disséminées entre des collections de particuliers et quelques musées nationaux. Le Mathaf a reçu en don une partie de la collection de la famille régnante – notamment celle de Hassan Al Thani, neveu de l’émir -, mais a aussi acquis à prix d’or des centaines d’oeuvres, faisant exploser le marché de l’art arabe contemporain.
Enfin, en 2013, le Musée national du Qatar, dessiné par l’architecte français Jean Nouvel, devrait ouvrir ses portes. Il occupera un site de 140 000 m2 et aura la forme d’une rose des sables. D’autres projets culturels sont en cours, dont un muséum d’histoire naturelle, une bibliothèque nationale et un musée de la photographie.
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