Le cache-cache de l’uranium libyen
Le lendemain de l’annonce, par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), de la disparition de plusieurs tonnes d’uranium naturel, l’Armée nationale libyenne affirme les avoir localisées…
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 17 mars 2023 Lecture : 2 minutes.
Il est des événements ponctuels très symptomatiques de la situation d’un pays. Il est aussi des vicissitudes nationales qui rendent dérisoire tout traitement satirique, tant les faits contiennent, en eux-mêmes, tous les ressorts d’un scénario de comédie grinçante. La Libye post-Kadhafi n’est pas avare d’exhibitions qui naviguent entre tragédie et burlesque…
Mercredi 15 mars, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) signale l’absence, depuis la veille, d’environ 2,5 tonnes d’uranium naturel sur un site libyen de la région de Sebha. Selon le directeur général Rafael Grossi, des inspecteurs de l’instance onusienne auraient cherché en vain dix conteneurs de concentré dénommé « yellow cake », à un endroit pourtant indiqué par les autorités libyennes. À Vienne, un diplomate occidental qualifie les risques de disparition de cet uranium de « limités mais non négligeables ». Il est question de sécurité nucléaire, mais l’épisode ressemble à quelqu’un qui ne saurait plus où il a posé ses lunettes…
La tentation atomique de Kadhafi
Rapidement, le général libyen Khaled al-Mahjoub, commandant de la direction de la communication des forces de l’Armée nationale libyenne (ANL) de Khalifa Haftar explique que le personnel chargé de surveiller le site est obligé de se poster à une certaine distance de l’uranium, faute de protections anti-radiations. Sur Facebook, image de 18 barils bleus à l’appui, il annonce finalement que les conteneurs ont été retrouvés à environ « cinq kilomètres du dépôt en direction de la frontière tchadienne ». Le cocasse de situation se déploie : une « faction tchadienne » aurait volé la marchandise « en croyant qu’il s’agissait d’armes ou de munitions », avant de l’abandonner comme de vulgaires sacs poubelles. Si tout serait officiellement « sous contrôle », chat échaudé craint le chaos libyen. L’AIEA dit s’efforcer « activement de vérifier » les informations…
Les péripéties des conteneurs démontrent la difficulté d’assurer la protection de sites aussi sensibles, dans une Libye en proie à la confusion, depuis la chute de Mouammar Kadhafi, le « guide » un temps tenté par l’élaboration d’armes atomiques. Non seulement deux camps rivaux libyens se disputent, depuis l’Est et l’Ouest, la légitimité politique, mais plusieurs factions de pays voisins –Tchad et Soudan– ont fait du sud du pays le lieu idéal d’implantation de leurs bases arrières.
Depuis 2021, l’ONU attend la tenue d’élections présidentielle et législatives. Depuis 2011, l’AIEA s’inquiète de la détérioration des conditions de stockage des barils de « yellow cake ». Considérant la taille et le poids des barils, l’agence avait exclu que ces matériaux puissent être… dérobés.
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