France : Serge Letchimy, l’héritier de Césaire

Le député de la Martinique Serge Letchimy a riposté aux propos du ministre de l’Intérieur français Claude Guéant. Poussant le gouvernement à quitter l’Assemblée nationale…

Serge Letchiminy interpellant Claude Guéant, le 7 février à l’Assemblée nationale. © Charles Platiau/Reuters

Serge Letchiminy interpellant Claude Guéant, le 7 février à l’Assemblée nationale. © Charles Platiau/Reuters

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Publié le 17 février 2012 Lecture : 2 minutes.

Un fort en gueule, Serge Letchimy. Il n’allait pas laisser les propos de Claude Guéant sur les civilisations sans réponse. Le 7 février, sur les bancs de l’Assemblée nationale, le député martiniquais a interpellé le ministre de l’Intérieur : « Vous déclarez du fond de votre abîme, sans remords ni regret, que toutes les civilisations ne se valent pas. […] Vous nous ramenez, jour après jour, à des idéologies européennes qui ont donné naissance aux camps de concentration au bout du long chapelet esclavagiste et colonial. Le régime nazi, si soucieux de purification, était-ce une civilisation ? La barbarie de l’esclavage et de la colonisation, était-ce une mission civilisatrice ? » Une déclaration dans la lignée du Discours sur le colonialisme d’Aimé Césaire, son mentor.

Né en 1953 à Gros-Morne (au nord de Fort-de-France) dans un milieu très pauvre, Serge Letchimy a grandi à Trénelle, l’un des bidonvilles de la capitale martiniquaise. « Courageux, volontaire, doué d’une très grande capacité de révolte ou d’indignation face aux injustices » d’après l’écrivain Patrick Chamoiseau, il fait de brillantes études. Titulaire d’un doctorat en urbanisme obtenu à la Sorbonne, il dirige la réhabilitation du quartier Texaco de Fort-de-France. Son travail et son engagement ont inspiré Chamoiseau au point qu’il en a fait l’un des personnages principaux de son roman Texaco, récompensé par le prix Goncourt en 1992. L’écrivain a été séduit par « sa vision créole » qui sous-tend sa science de l’urbanisme, « sa perception de la dynamique entre passé, présent et futur, patrimoine et création, tradition et modernité, identité et ouverture ».

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"À la hauteur de ce que Césaire lui a légué"

Letchimy est élu conseiller général en 1992. Moins de dix ans plus tard, en 2001, Aimé Césaire le choisit pour lui succéder à la mairie de Fort-de-France, puis, en 2005, à la tête du Parti progressiste martiniquais. Dès lors, il s’efforcera d’être « à la hauteur de ce que Césaire lui a légué ». Il est élu député en 2007 et prend la tête du conseil régional trois ans plus tard. Un parcours sans faute et une hégémonie sur l’île qui n’est pas sans en froisser quelques-uns.

À l’instar du chantre de la négritude, qui, en 2005, avait refusé de recevoir Nicolas Sarkozy – alors ministre de l’Intérieur – au moment où les parlementaires de droite entendaient inscrire dans la loi le « rôle positif » de la colonisation, Letchimy a annoncé, le 6 février, qu’il ne recevrait pas Claude Guéant lors de son prochain déplacement en Martinique. « Il a raison, soutient Chamoiseau. Quand on commence à hiérarchiser les civilisations, on entre dans une dérive majeure. Chaque fois qu’un pouvoir politique ou religieux a cru appartenir à une civilisation "supérieure", cela a entraîné de grands crimes d’État. Ce n’est pas une mince affaire ! » « Pour autant, rappelle le journaliste ivoiro-antillais Serge Bilé, il ne faut pas non plus perdre de vue que Letchimy est un soutien de François Hollande, que les législatives approchent, et qu’il devra mettre en place l’assemblée unique d’ici à 2014. Il en tirera forcément un bénéfice au niveau local. Ça va galvaniser ses troupes ! »

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