En Algérie, Kamel Rezig écarté… et repêché par Tebboune
Très critiqué, le ministre algérien du Commerce fait partie des victimes du dernier remaniement ministériel. Mais il a très vite rebondi.
En trois ans, il avait survécu à pas moins de quatre remaniements. Mais le dernier, annoncé le 16 mars par la présidence algérienne, lui a été fatal : cette fois, le très controversé Kamel Rezig n’est plus ministre du Commerce et des Exportations. Réputé proche du chef de l’État, Abdelmadjid Tebboune, il a toutefois été repêché et nommé, deux jours plus tard, conseiller à la présidence.
On le pensait en disgrâce depuis que, ces dernières semaines, le président s’était ouvertement emporté à plusieurs reprises contre sa gestion de la restriction des importations. Une mesure censée protéger la production nationale mais qui s’est étendue jusqu’aux produits qui ne sont pas fabriqués localement, comme les pièces de rechange automobiles, sous forte tension en Algérie.
Lors de son entrevue périodique, fin février, avec les représentants des médias nationaux, Tebboune avait qualifié les nombreuses pénuries sur le marché « d’inacceptables », estimant que « la substitution des importations doit intervenir une fois l’augmentation de la production locale, sa disponibilité et la capacité à couvrir les besoins nationaux confirmées ». Des propos venus corroborer le contenu d’une dépêche de l’agence de presse officielle évoquant, quelques jours plus tôt, une « grande colère du président contre le blocage de certaines importations à l’origine des pénuries et de l’envolée des prix de certains produits ».
Nommé à la présidence, Kamel Rezig, diplômé en économie et en finances, hérite d’un poste moins exposé, ce qui évitera peut-être les dérapages dont il était devenu coutumier. Le plus récent remonte à la mi-février, quand le ministre s’est adressé avec arrogance à un député qui lui reprochait de ne pas répondre à sa question. Un incident suffisamment remarqué pour pousser, ce qui est rare, le bureau de l’Assemblée à dénoncer dans un communiqué « un manque de respect à un député et à la dignité de l’institution constitutionnelle et une attitude incompatible avec le statut d’un membre du gouvernement ».
Mesures critiquées
Un épisode révélateur de la stratégie médiatique offensive de l’ancien ministre du Commerce, comme lorsqu’il pointait du doigt une supposée « mafia du lait ». Les mesures adoptées pour contrer la hausse des prix et les pénuries n’ont pas non plus convaincu : ni la mise en place de cartes de distribution de lait, ni l’annonce de l’ouverture d’une enquête sur la distribution de semoule n’ont réduit leur indisponibilité cyclique sur les étals des magasins. En février 2022, une commission d’enquête parlementaire sur les pénuries de l’huile de table soulignait la défaillance des services de contrôle du ministère du Commerce.
Sur les réseaux sociaux, il est aussi reproché à Kamel Rezig un goût pour la politique spectacle, sans réel effet sur le terrain. Une séquence datant du 20 octobre 2020 avait beaucoup circulé sur la Toile : on y voit l’ex-ministre s’emporter contre la mauvaise gestion de la datte algérienne. Kamel Rezig critiquait l’approche des producteurs nationaux incapables, disait-il, de mettre un label à leur produits avant son exportation. « Notre deglet nour est l’une des meilleures, pourtant nous l’exportons en vrac en Tunisie et elle est réexportée sous label tunisien ». En octobre de la même année, les internautes avaient aussi tourné en dérision l’exportation vers la Chine d’une cargaison de pattes de poulet, présentée comme un exploit commercial.
Autre mesure très critiquée : pour parer à la crise de la pomme de terre, pendant le confinement de 2020, la première réaction du gouvernement avait été de puiser dans le stock stratégique de pommes de terre et d’injecter de grandes quantités sur le marché pour tenter de répondre à la forte demande. Au micro de la radio nationale, Kamel Rezig avait promis que cette décision suffirait à satisfaire les besoins du marché et à mettre fin à la spirale spéculative. Il a rapidement été contredit : le président Tebboune avait évoqué, fin octobre, la nécessité de recourir à l’importation « à titre exceptionnel ».
Une nouvelle occasion pour les réseaux sociaux de tourner en dérision la gestion de l’ex-ministre, martelant qu’un pouvoir incapable de régler un problème comme celui de la régulation du marché de la patate ne pouvait pas se prévaloir d’être une « force de frappe », slogan cher au président Tebboune. Durant la même période, Kamel Rezig avait aussi été attaqué pour avoir effectué un déplacement sur le terrain, à Boufarik, alors que des mesures drastiques de confinement forçaient les Algériens à rester chez eux, même pendant les jours de fêtes religieuses.
Les polémiques qu’il suscite redoublent en mars 2021, lorsque Kamel Rezig annonce vouloir sanctionner les commerces qui utilisent d’autres langues que l’arabe classique sur leurs enseignes.
Début 2023, enfin, l’ancien ministre du Commerce a achevé de confirmer sa réputation de conservateur. Juste après la Coupe du monde de football au Qatar, ses services ont lancé une campagne contre « des produits contenant des couleurs et symboles arc-en-ciel des homosexuels », jugés « attentatoires aux valeurs morales et à la religion de l’État, l’islam ». Pour beaucoup d’Algériens, cette croisade homophobe avait surtout pour but de détourner l’attention de la question brûlante du coût de la vie, avec une inflation de 9,4 %.
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