Côte d’Ivoire : trop de banques, pas assez de comptes
La première économie de la région est à la traîne en matière bancaire. Les cinq établissements publics de Côte d’Ivoire sont affaiblis et les privés dispersés.
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Agir sans se presser. Du côté du gouvernement Ouattara, en matière bancaire, l’époque est encore à la réflexion avant l’action. Premier objectif : statuer sur le sort des cinq banques publiques ivoiriennes en difficulté, dont certaines, notamment la Banque nationale d’investissement, ont un poids non négligeable dans l’économie. « Toutes les options sont en train d’être analysées. Liquidation, regroupement, privatisation… », souligne un conseiller à la présidence. La seule quasi-certitude est que le gouvernement a peu de chances de s’engager dans une recapitalisation massive.
Source : Association professionnelle des banques et établissements financiers de Côte d’Ivoire.
Deuxième impératif : « recréer un pôle bancaire public fort, capable de financer réellement et de manière satisfaisante les petites et moyennes entreprises, l’immobilier, l’habitat social, l’agriculture, ajoute le même conseiller. C’est le véritable enjeu aujourd’hui ». Parmi les pistes à l’étude : travailler avec des banques internationales spécialisées ayant développé une expertise dans un domaine important (groupe coopératif, banque agricole, banque de développement local)… Plus généralement, l’enjeu est de bâtir enfin une véritable puissance bancaire, à la hauteur de l’économie ivoirienne.
Depuis plusieurs années, les banques du pays reculent régulièrement dans le panorama financier africain, au profit, notamment, de leurs consoeurs nigérianes, ghanéennes ou kényanes. Le taux de bancarisation s’élève à 10 % hors institutions de microfinance, selon l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF). À Nairobi ou à Lagos, il atteint le double, au moins. Tout comme au Togo, leader du domaine dans la zone franc CFA.
Besoin de concentration
"Plus de peur que de mal"
Estimation des pertes : 94,7 milliards de F CFA, soit environ 145 millions d’euros. C’est à ce niveau que la profession chiffre les conséquences de la crise postélectorale qui a secoué le pays. L’essentiel des pertes étant lié à l’augmentation des créances en souffrance, les dégâts strictement matériels ont, au final, été limités. Du côté des banques historiques d’ailleurs, le bilan se révèle moins lourd que ce que l’on craignait. « Plus de peur que de mal, résume Daouda Coulibaly, directeur général adjoint de la Société ivoirienne de banque. Il y a eu davantage de difficultés au niveau des particuliers qu’au niveau des entreprises. Mais 2012 devrait être une bonne année. » Selon le Fonds monétaire international, la moitié des acteurs du marché ivoirien n’atteignent pas le minimum requis en matière de ratio de fonds propres. Un chiffre toutefois à peine plus élevé qu’avant. Preuve que, en Côte d’Ivoire, les petites banques restent le talon d’Achille du secteur. F.M.
Pis, en Côte d’Ivoire, une grosse partie de cette bancarisation est le fait d’une seule banque, publique… En effet, « sur 2 millions de titulaires de comptes, la moitié est à la Caisse nationale des caisses d’épargne [CNCE] », souligne un banquier. Depuis l’arrivée des nigérians Diamond Bank et Guaranty Trust Bank et du gabonais BGFI Bank, 24 établissements prétendent donc se partager un seul million de comptes… « Il est vrai qu’il y a trop de banques et que la capitalisation est insuffisante, estime Guy Sauvanet, directeur général de Diamond Bank Côte d’Ivoire. Il y aura concentration. » Même si cette éventualité dépend aussi de la Commission bancaire de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest, l’exécutif ivoirien devrait militer pour des rapprochements entre établissements.
De son côté, le secteur privé a d’ores et déjà porté ses doléances à la présidence, sous la forme d’un mémorandum postcrise, via l’APBEF de Côte d’Ivoire. L’occasion de tirer le bilan des difficultés (lire encadré) et de suggérer quelques pistes de réformes. « L’un des points les plus importants pour nous est l’application effective des règles de droit et l’assainissement de l’environnement juridique », précise un banquier.
La profession milite également pour un assouplissement des contraintes de liquidité, ce qui lui permettrait de prêter davantage à moyen et long terme. Malgré les heurts, elle a toutefois retrouvé confiance. Guy Sauvanet en témoigne : « Je suis très positif sur l’économie ivoirienne, explique-t-il. Les projets importants d’infrastructures dans l’électricité et les ports, ou encore la réhabilitation, sont des facteurs encourageants. »
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