Cinq expositions d’artistes africains à ne pas manquer à Paris et dans ses environs

De plus en plus de galeries installées en région parisienne offrent la possibilité de voir – et d’acheter – des œuvres contemporaines créées par des artistes africains, d’origine africaine ou afro-descendants. Jeune Afrique a sélectionné pour vous cinq expositions en cours actuellement.

Oroma Elewa, vue de l’exposition « Corporate Ashawo » à la galerie In Situ Fabienne Leclerc, Grand Paris. © Aurelien Mole ; Courtesy de l’artiste et Galerie In Situ, Fabienne Leclerc, Grand Paris

Publié le 26 mars 2023 Lecture : 5 minutes.

1. Oroma Elewa chez In Situ Fabienne Leclerc

Ce sont les femmes africaines de la diaspora qui ont inspiré les personnages qu’Oroma Elewa met en scène dans cette exposition. Des femmes « contemporaines qui intègrent leur africanité dans les sociétés occidentales », selon l’artiste. La plasticienne s’intéresse aux conversations privées de ces femmes entre elles et avec les hommes, « avec une certaine liberté d’expression » que reflètent les textes qui scandent l’exposition. Jeux de mots et humour décapant dévoilent « un monde transactionnel où les hommes sont presque des objets » et où les femmes s’affichent en tailleur-pantalon de cadres supérieurs. L’artiste a construit ces portraits à partir de son visage maquillé puis mélangé à celui d’actrices de Nollywood (les studios de cinéma nigérians), pour se placer du côté de la fiction.

Et pourtant les dialogues et les portraits de femmes semblent très réalistes, autant sur les relations hommes-femmes que sur les amitiés entre femmes de différentes générations. L’artiste estime que, dans cet univers, tout peut se négocier et se vendre : une vidéo rappelle ainsi que les cauris ont longtemps servi de monnaie en Afrique, même pour acheter le corps des femmes, ou du moins « les relations avec une partie de leur corps », précise Oroma Elewa. Décapante, voire cruelle, cette exposition imagine les femmes africaines comme agissant sur leur propre vie, en marge des hommes.

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Oroma Elewa, Corporate Ashawo, à la galerie In Situ Fabienne Leclerc, Romainville (93) jusqu’au 29 avril.

2. Katia Kameli à l’Institut des cultures d’islam et Bétonsalon

À travers des dessins délicats, des sculptures en argile et des miniatures, l’artiste d’origine algérienne s’attache aux histoires qui traversent les frontières et les générations. Du récit officiel algérien, où les images sont censurées, aux fables orientales qui ont inspiré La Fontaine, Katia Kameli explore avec humour les ressorts de la fiction. Ainsi ce conteur rencontré sur la Jemaa-el-Fna (Marrakech) que l’artiste filme en train de raconter en dix minutes un film fleuve de Bollywood, rejouant même certains dialogues. Il est filmé dans l’ancien théâtre de Marrakech, désormais abandonné, un lieu où les histoires se sont tues.

Katia Kameli réinterprète aussi les créatures du Parlement des oiseaux (Perse, XIIe siècle), qui deviennent des sculptures en argile percées de trous, comme des flûtes primitives attendant d’être jouées. Les Fables de La Fontaine lui inspirent des masques d’animaux étranges et de fausses miniatures persanes. À Bétonsalon, l’exposition rejoue des séquences d’un film méconnu de l’académicienne Assia Djebar, tourné en 1977 en Kabylie. Mémoire collective et construction du récit s’entremêlent donc grâce aux extraits et aux éléments de décor reproduits, une mise en abyme un peu aride.

Hier revient et je l’entends, à l’ICI (Paris 18) et Bétonsalon (Paris 13) jusqu’au 16 avril.

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3. Deux artistes burkinabè chez Art-Z

La galerie Art-Z propose deux artistes burkinabè de la jeune génération qui travaillent la figuration et la couleur, mais avec des démarches différentes. Harouna Ouedraogo s’intéresse aux visages, qu’il peint en grand format avec des coups de pinceau teintés d’expressionnisme. Flirtant avec le street art et avec le style de Basquiat, comme nombre d’artistes ouest-africains, il privilégie l’immédiateté du geste et l’accumulation des traits sur fonds colorés, travaillant à « une recomposition » des visages et de la figuration, en laissant ces visages indistincts. Ouedraogo les structure presque tous par des grands traits de peinture noire, ce qui leur donne de la présence, mais les fait ressembler à des masques plus qu’à des individus.

Harouna Ouedraogo « Autoportrait ». © Harouna Ouedraogo et Galerie Art-Z.

Harouna Ouedraogo « Autoportrait ». © Harouna Ouedraogo et Galerie Art-Z.

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Christophe Sawadogo travaille plus en finesse, exposant ici des petits formats à l’encre sur papier qui représentent « des fragments de vie » aux couleurs légèrement délavées. Inspirées par la vie quotidienne, ces scènes en apparence banales révèlent une jolie sensibilité et une attention aux personnages, caractérisés par leurs vêtements et coiffes. L’artiste dit « travailler les moindres détails » pour les rendre vivants. Et privilégier les silhouettes de femmes africaines. Sur les encres on distingue effectivement les détails des pagnes et des coiffures traditionnelles, même si les visages restent un peu flous.

Christophe Sawadogo et Harouna Ouedraogo, Le Soleil en face, à la galerie Art Z (Paris 11) jusqu’au 15 avril.

4. Carl-Edouard Keïta chez Cécile Fakhoury

Passionné par l’histoire des modernités noires et africaines, Carl-Edouard Keïta s’attache à peindre des personnalités noires oubliées. Il choisit notamment la cavalière Selika Lazevski, écuyère de cirque dans le Paris de la Belle époque, comme symbole de ces personnalités méconnues dont seules quelques archives conservent une trace. Dans un style qui emprunte volontairement au cubisme, Keïta réinterprète un portrait de Selika Lazevski pris en 1891 par le célèbre photographe Nadar, où cette femme noire apparaît en tenue d’amazone, chose rare à cette époque. Il extrapole et imagine d’autres cavalières noires et d’autres personnalités oubliées, qu’il tente de faire entrer dans l’histoire occidentale.

Carl-Edouard Keïta, « NKN, 1966 ». © Grégory Copitet, Carl-Edouard Keïta et Galerie Cécile Fakhoury.

Carl-Edouard Keïta, « NKN, 1966 ». © Grégory Copitet, Carl-Edouard Keïta et Galerie Cécile Fakhoury.

Ses toiles restent marquées par le cubisme et les avant-gardes des années 1920 et 1930, une période où les « bals nègres » prospéraient en France et où les sportifs noirs accédaient enfin à la notoriété. Keïta s’intéresse d’ailleurs au boxeur d’origine sénégalaise Battling Siki, champion « poids lourd » en France en 1922 qui émigra aux États-Unis, où il fut assassiné en 1925. Émergeant de fonds noirs proches de l’anthracite, ces figures « noires » prennent ici des couleurs et retrouvent pour un temps une place de premier ordre dans les arts visuels, comme sur une scène de cabaret. L’artiste avait auparavant exploré l’œuvre de Picasso à l’aune de sa fascination pour « les arts nègres » et il prolonge ici cette réflexion dans une veine contemporaine de réappropriation de l’histoire des afro-descendants.

Carl-Edouard Keïta, Glass Ceiling, à la galerie Cécile Fakhoury (Paris 8) jusqu’au 29 avril.

5. Quatre artistes sud-africains à Antony

Deux hommes et deux femmes proposent un regard sur l’Afrique du Sud d’aujourd’hui, autour de la pratique du portrait. La plus connue des quatre, Zanele Muholi, sert de marraine aux autres, dont le travail est moins âpre que ses beaux autoportraits en noir et blanc. Certains de ces autoportraits ont d’ailleurs inspiré les trois autres artistes. Leila Rose Fanner déploie des œuvres au pastel gras où des femmes peintes en noir se fondent dans un décor végétal onirique. Des fleurs tropicales et des animaux étranges entourent ces femmes au visage invisible, dont la présence devient presque pesante. Une discrète influence du Douanier Rousseau donne aux œuvres des airs de fantasmagorie intemporelle.

Christophe Sawadogo, « Le Chemin », aquarelle, 2022. © Christophe Sawadogo et galerie Art-Z.

Christophe Sawadogo, « Le Chemin », aquarelle, 2022. © Christophe Sawadogo et galerie Art-Z.

Le jeune Lindokuhle Khumalo, pour sa part, peint des portraits de sud-africains issus des petites villes rurales, qui se détachent sur des fonds unis souvent verts. Cette couleur évoque pour lui « l’espoir » et un rituel de la communauté nguni avec des bougies vertes. Ses personnages semblent attendre quelque chose d’indéfini, comme s’ils étaient trop seuls dans une société aliénante. Les personnages de Morgan Mahape sont plus délicats, mais ils évoluent eux aussi seuls. L’artiste crée des paysages et des portraits sur des rideaux de perles de verre, qu’il fabrique lui-même et fixe sur un cadre de bois, comme une tapisserie. Il se représente volontiers, au milieu de la nature ou seul devant un fond neutre, toujours avec des perles, qui représentent pour lui « l’individu connecté à la société ».

Leila Rose Fanner, Lindokuhle Khumalo, Morgan Mahape et Zanele Muholi, Maison des arts d’Antony (92), jusqu’au 30 avril.

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