La Tunisie rejette les propos « disproportionnés » de Josep Borrell
Alors qu’une délégation européenne arrive à Tunis aujourd’hui, les propos très durs du chef de la diplomatie de l’UE évoquant un risque d’ « effondrement » du pays, ont suscité de vives réactions.
le 21 mars La Tunisie a rejeté des propos « disproportionnés » du chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, qui s’était inquiété la veille de la situation dans le pays, redoutant son « effondrement ». Cette réaction survient alors qu’une délégation de l’UE est attendue sur place, pour évaluer la situation dans le pays en proie à une grave crise socio-économique et où l’opposition dénonce un recul des droits et des libertés depuis que le président Kaïs Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs en juillet 2021.
« Les propos prononcés sont disproportionnés tant au vu de la résilience bien établie du peuple tunisien tout au long de son histoire, que par rapport à une menace migratoire vers l’Europe en provenance du sud », a réagi le ministère tunisien des Affaires étrangères dans un communiqué. « Ces propos sélectifs continuent d’ignorer toute responsabilité (de l’UE) dans la situation qui a prévalu en Tunisie et ailleurs, notamment depuis 2011 et jusqu’au 25 juillet 2021 », soit la période allant de la révolution qui a renversé la dictature jusqu’au coup de force du président Saïed.
Situation « très dangereuse »
S’exprimant à l’issue d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles, Josep Borrell a estimé que la situation en Tunisie était « très dangereuse », évoquant même un risque d’ « effondrement »de l’État, susceptible de « provoquer des flux migratoires vers l’UE et d’entraîner une instabilité dans la région ».
La Tunisie, dont certaines portions de littoral se trouvent à moins de 150 km de l’île italienne de Lampedusa, enregistre très régulièrement des tentatives de départ de migrants, originaires en majorité de pays d’Afrique subsaharienne, vers l’Italie. Selon des chiffres officiels italiens, plus de 32 000 migrants sont arrivés clandestinement en Italie en provenance de Tunisie en 2022.
En février, Kaïs Saïed avait suscité un tollé en dénonçant la présence en Tunisie de « hordes » d’immigrés clandestins d’Afrique subsaharienne et une « entreprise criminelle » visant selon lui à modifier la démographie de son pays.
Le FMI évoqué
Par ailleurs, les autorités ont arrêté depuis février plusieurs personnalités de l’opposition, d’anciens ministres, des hommes d’affaires et le directeur de la radio privée la plus écoutée de Tunisie. Ces arrestations surviennent en pleine négociation avec le Fonds monétaire international (FMI) d’un prêt de deux milliards de dollars. « L’Union européenne ne peut pas aider un pays incapable de signer un accord avec le FMI », a soutenu le chef de la diplomatie européenne. « Le président Kaïs Saïed doit signer avec le FMI et mettre en oeuvre l’accord, sinon la situation sera très grave pour la Tunisie. »
Une délégation européenne est attendue sur place dès le 21 mars. Cette mission doit mener « une évaluation de la situation pour permettre à l’UE d’orienter ses mesures », selon Josep Borrell. Conduite par Gert Jan Koopman, directeur général pour le Voisinage, Johannes Luchner, directeur général adjoint chargé des migrations et Luigi Soreca, envoyé spécial pour les aspects extérieurs des migrations, elle doit rencontrer plusieurs ministres.
« Les discussions devraient porter, entre autres, sur la situation politique et socio-économique en Tunisie, et sur la manière dont l’UE peut continuer à soutenir au mieux la population tunisienne dans le contexte actuel », selon un communiqué de la délégation européenne à Tunis. « La visite sera également l’occasion d’aborder la coopération en matière de migration, et d’identifier des pistes d’engagement concrètes », a ajouté le texte.
(avec AFP)
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