France – Rugby : Mourad Boudjellal, agitateur né

Mourad Boudjellal dénonce la « sodomie arbitrale » et le racisme dans le rugby. Ses outrances irritent ? Sans doute, mais le président du RC Toulon est un malin qui sait parfaitement ce qu’il fait et ce qu’il veut.

Mourad Boudjellah, président du RC Toulon, au cours d’un match du Top 14, l’an dernier. © Rodriguez Pasca/Sipa

Mourad Boudjellah, président du RC Toulon, au cours d’un match du Top 14, l’an dernier. © Rodriguez Pasca/Sipa

Publié le 15 février 2012 Lecture : 3 minutes.

Interdit de stade jusqu’au 3 juin. La sanction est tombée pour Mourad Boudjellal, l’iconoclaste président du Racing Club de Toulon, l’un des grands du rugby français. Le 26 janvier, la commission de discipline de la Ligne nationale de rugby (LNR) a estimé qu’il avait porté « atteinte à l’intérêt supérieur du rugby ». Résultat : il n’a provisoirement plus le droit de pénétrer ni sur les terrains ni même dans les vestiaires lors des rencontres de Top 14. Une décision frustrante pour l’intéressé, qui a fait appel.

Tout a commencé le 8 janvier par une erreur d’arbitrage présumée lors d’un match contre l’ASM Clermont-Auvergne, perdu 25-19 par son équipe. Boudjellal hurle à l’injustice. À sa manière pas vraiment raffinée : « J’ai connu ma première sodomie arbitrale contre Clermont en 2010, en demi-finale. Je viens de connaître ma ­deuxième ce soir. » Des propos jugés « vulgaires, graveleux et néfastes » par Pierre-Yves Revol, le président de la LNR ; « inadmissibles sur la forme, excessifs sur le fond », par Jean-René Bouscatel, le président du Stade toulousain. 

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Le rugby français est raciste. Il est à l’image de la France franchouillarde et conservatrice.

Mourad Boudjellal, président du RC Toulon

« C’est ma façon de parler, c’est mon éducation. Si j’avais dit : "on a joué à 15 contre 16", ça n’aurait pas eu d’effet. Je suis issu de la culture de Groland et des Nuls [célèbres émissions satiriques de la TV française, NDLR]. Le mot "sodomie" ne me choque pas », a commenté Boudjellal au sortir de son audition à la LNR, le 25 janvier.

Le patron du RCT est comme ça : sans filtre ni détour. « Mon luxe dans la vie est de dire à tout le monde ce que je pense. En bien comme en mal. Je refuse d’être consensuel juste parce qu’il faut l’être ou parce que j’y ai intérêt. » À ses yeux, la vertu suprême, c’est la vérité : « Je pense qu’on est plus respectueux quand on dit ce qu’on pense. Et j’ai la faiblesse de croire que je ne dis pas que des conneries. » Si ses joueurs sont mauvais, il les malmène dans la presse. Si une pratique le révulse, il balance. Ainsi, à une question du quotidien La Provence, « le rugby est-il raciste ? » Boudjellal répond : « Oui, le rugby français est raciste. Il est à l’image de la France franchouillarde et conservatrice. » Il s’émeut d’être l’objet d’insultes racistes dans les stades ou de recevoir régulièrement « des lettres dans lesquelles [il est] traité de sale bougnoule ».

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"Provoquer était la seule façon d’attirer l’attention"

Le monde du rugby se vexe et s’agace. Même Abdelatif Benazzi, l’ancien capitaine du XV de France (natif d’Oujda, au Maroc), prend ses distances : « Le rugby français reste un peu conservateur, mais il n’est pas raciste. Quand j’ai commencé à jouer, il y en a quelques-uns que j’ai dû calmer sur le terrain, mais ils n’étaient qu’une minorité », a-t-il confié au quotidien Sud-Ouest. Précision : Benazzi mesure près de 2 mètres et pèse largement plus de 1 quintal, ce qui doit décourager certaines velléités xénophobes. En revanche, Boudjellal a trouvé un soutien « plein et entier » auprès de Jeannette Bougrab, la secrétaire d’État chargée de la Jeunesse.

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Rien n’est fortuit chez cet as du marketing et de la communication. « Provoquer était la seule façon d’attirer l’attention », admet-il. Une stratégie jusqu’ici payante pour ce fils d’Algériens né en Provence, créateur d’une maison d’édition spécialisée dans la BD (Soleil Éditions), qu’il a revendue en 2011 pour pouvoir se consacrer à 100 % au rugby. En choisissant l’affrontement verbal, il n’a d’autre ambition que de dépoussiérer un milieu figé dans ses traditions, dans lequel il se sent « un peu comme un bâtard ». Pourtant, avec sa faconde et son style à l’emporte-pièce, il est devenu incontournable dans le rugby français. « Je ne suis pas là pour me faire mousser dans les médias, dit-il, mais pour me constituer un palmarès. » Derrière le buzz médiatique permanent, il n’a qu’une obsession : gagner.

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