Au Tchad, la prison à vie pour 400 rebelles accusés d’avoir provoqué la mort d’Idriss Déby Itno
Le procès, qui s’est tenu à huis clos, a été dénoncé comme une « mascarade » par les membres du FACT (Front pour l’alternance et la concorde au Tchad), à l’origine de l’offensive qui a coûté la vie à l’ancien président.
Ce sont plus de 400 personnes qui ont été condamnées à la prison à vie pour « acte de terrorisme, mercenariat, enrôlement d’enfants dans l’armée et atteinte à la vie du chef de l’État », a affirmé le procureur général de N’Djamena, Mahamat El-Hadj Abba Nana, sans donner de chiffres précis sur le nombre de personnes condamnées. Il a ajouté que « 24 personnes [avaient] été acquittées » à l’issue de ce procès, qui s’est ouvert le 13 février mais a été ponctué de nombreuses interruptions et ajournements.
Dans la prison de Klessoum
Aucun média indépendant ne pouvait assister aux audiences, qui se déroulaient à huis clos devant la Cour criminelle de la cour d’appel de N’Djamena, dans l’enceinte de la prison de Klessoum, à une vingtaine de kilomètres au sud-est de la capitale.
En avril 2021, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) avait lancé, à partir de ses bases arrières en Libye, une offensive en direction de la capitale tchadienne, N’Djamena. Le 20 avril, l’armée annonçait que le maréchal Déby, qui dirigeait le pays depuis plus de trente ans, avait été tué au front. Elle nommait alors l’un de ses fils, le jeune général Mahamat Idriss Déby Itno, président de la République pour une période de transition.
Plusieurs personnes ont également été condamnées solidairement au versement de dommages et intérêts, « dont 20 milliards de francs CFA [plus de 30 millions d’euros] au profit de l’État » et « un milliard aux ayants droits » de l’ancien président du Tchad, a précisé Me Francis Lokoulde. Cet avocat, qui appartient au collectif qui représente les membres du FACT, a ajouté vouloir se pourvoir en cassation pour l’ensemble des condamnations.
« Un non-événement »
« C’est une mascarade qui n’obéit à aucune loi, aucune convention, a réagi Mahamat Mahdi Ali, le leader du FACT. Tout cela ressort d’une volonté de vouloir criminaliser notre lutte […], ce verdict est un non-événement. »
L’offensive et la capture des accusés datent de près de deux ans et le procès de Klessoum a été annoncé publiquement, à la surprise générale, quelques jours avant son ouverture. Les avocats, pour bon nombre commis d’office, ont protesté devant ce délai aussi court, soulignant notamment que l’unique volumineux dossier commun à tous les accusés ne leur avait été transmis qu’à la « toute dernière minute ».
Ce verdict intervient trois mois après que 262 personnes – sur 401 accusées, dont 80 mineurs – ont été condamnées à de lourdes peines de détention, après avoir été arrêtées avant, pendant et après les manifestations du 20 octobre 2022. Une cinquantaine de jeunes gens avaient été tués ce jour-là, essentiellement par balles, lors d’une marche dénonçant le maintien au pouvoir de Mahamat Idriss Déby Itno au-delà des dix-huit mois de transition après lesquels il avait promis de remettre le pouvoir aux civils par des élections « libres et démocratiques ».
Les ONG internationales et certaines capitales occidentales s’étaient émues de ce « procès » de masse, tenu dans la prison de Koro Toro, en plein milieu du désert à 600 km de N’Djamena, en l’absence d’avocats et de la presse indépendante.
(avec AFP)
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