Union africaine : un souffle nouveau venu de Tunisie

Les autorités nées du Printemps arabe ont participé à leur première grand-messe continentale, lors du sommet de l’UA à Addis Abeba du 29 au 30 janvier. À l’image du président tunisien Moncef Marzouki, venu annoncer le retour en force de son pays sur la scène panafricaine.

À la tribune de l’UA, Moncef Marzouki a brisé un tabou en évoquant l’absence du Maroc. © Tony Karumba/AFP

À la tribune de l’UA, Moncef Marzouki a brisé un tabou en évoquant l’absence du Maroc. © Tony Karumba/AFP

Christophe Boisbouvier

Publié le 15 février 2012 Lecture : 3 minutes.

Avec l’entrée du docteur Marzouki, c’est le vent des révolutions arabes qui a soufflé dans la grande salle du nouveau siège de l’Union africaine (UA). Jusqu’au 14 janvier 2011, Moncef Marzouki n’était qu’un opposant en exil. Mais ce 29 janvier 2012, à l’ouverture du 18e sommet de l’UA, il a eu droit à tous les honneurs. « C’est un symbole de la lutte pour la liberté de son pays », a lancé Jean Ping, qui n’avait rien dit, il y a un an, dans la même enceinte, sur la révolution de Tunis. Puis le nouveau président tunisien, vêtu d’une simple veste, sans cravate, est monté à la tribune. Et il a tonné : « Notre révolution a envoyé un message. Les révolutions vont balayer tous les régimes dictatoriaux. Rien ne pourra arrêter les peuples qui décident de rompre leurs chaînes. » Marzouki a prononcé une expression quasi taboue à l’UA : « régimes dictatoriaux ». À cet instant, un frisson a dû courir le long de l’échine de quelques chefs d’État…

« À bas les dictatures » et « vive l’Afrique », a dit en substance le docteur Marzouki. Après avoir rappelé que le président Ben Ali ne venait quasiment jamais aux sommets de l’UA, il a lancé : « Or nous nous sentons totalement africains. La Tunisie est à la croisée de trois champs. Elle est euro-méditerranéenne, elle est arabe et maghrébine, et elle est africaine. Mon pays va revenir en force pour occuper sa place dans l’espace africain. » En clair, la Tunisie veut investir sur le continent. « Nous allons mettre le paquet là-dessus », a-t-il dit. Et des étudiants africains auront des visas pour Tunis.

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Marzouki et Ouyahia évoquent l’UMA

Le président a brisé un autre tabou : le silence de l’Union africaine sur le Maroc. À la tribune de l’UA, il a déclaré : « La Tunisie va faire tout son possible pour trouver une solution au douloureux problème sahraoui et pour que cette anomalie majeure – qu’un grand pays comme le Maroc n’ait pas sa place dans la famille commune – soit corrigée et qu’un jour nous ayons nos amis marocains dans cette place. » Le lendemain matin, il a rencontré discrètement le ministre marocain des Affaires étrangères, Saadeddine El Othmani, à l’hôtel Sheraton.

Des Marocains très actifs

Après Alger, Addis-Abeba. Le ministre marocain des Affaires étrangères a passé deux jours dans la capitale éthiopienne en marge du sommet de l’Union africaine (UA), accompagné par le puissant directeur de la DGED (renseignements extérieurs), Yassine Mansouri. Puisque son pays a quitté l’organisation depuis 1984, c’est à l’hôtel (au Sheraton, le plus souvent) que Saadeddine El Othmani, nouveau venu à la tête de la diplomatie, a fait connaissance avec les présidents ivoirien, burkinabè, béninois, togolais, gambien, congolais, kényan, djiboutien… La liste est longue et l’on se plaît, côté marocain, à l’égrener pour mieux se convaincre que l’heure du retour au sein de l’UA est proche. Pour autant, Rabat accepterait-il de s’asseoir dans la même pièce que la République arabe sahraouie démocratique (RASD) ? « Certainement pas. Ce que nous espérons, c’est une suspension de la RASD. » Inutile de dire que les déclarations du Tunisien Moncef Marzouki ont été particulièrement bien accueillies. A.K.-G.

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Autre interlocuteur clé : le Premier ministre algérien. Lors de leur rendez-vous, Moncef Marzouki et Ahmed Ouyahia se sont promis de dynamiser l’Union du Maghreb arabe (UMA), qui ne s’est pas réunie en sommet depuis… 1994 ! Le numéro un tunisien souhaite organiser d’ici au mois de mai un sommet qui pourrait se tenir dans sa capitale. « Il ne faut pas faire de la résolution [du problème] du Sahara occidental un préalable, a-t-il précisé. Il faut le contourner pour créer un nouveau Maghreb qui va nous aider à le résoudre. »

À côté du grand tribun venu de Tunis, le Premier ministre libyen s’est montré très discret. Peu de discours, mais beaucoup de contacts, notamment avec Marzouki et Ouyahia. Logique. Pour lutter contre la prolifération des armes libyennes au Sahel, Abdurrahim el-Keib a proposé d’accueillir en Libye une conférence sur la sécurité régionale avec les ministres de l’Intérieur et de la Défense des pays voisins. Preuve, peut-être, que les révolutionnaires libyens commencent à s’ouvrir au monde…

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