Mali : à l’arrière du front, l’inquiétude

Tandis que les combats opposant l’armée aux rebelles se poursuivent dans le Nord, le reste du pays est en proie à l’inquiétude et à des accès de violence anti-Touaregs.

Les incidents se multiplient à Bamako. © D.R.

Les incidents se multiplient à Bamako. © D.R.

Publié le 10 février 2012 Lecture : 3 minutes.

Dans la soirée du 1er février, le président Amadou Toumani Touré (ATT) s’est enfin adressé aux Maliens. Solennel, il les a exhortés à ne pas confondre Touaregs et rebelles, et a appelé le peuple tout entier à « éviter le piège de l’amalgame pour ne pas faire le jeu de ceux qui ont choisi de troubler la quiétude ». Il était temps.

Depuis la première attaque menée par le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), à Ménaka (Nord) le 17 janvier, les autorités étaient restées silencieuses, ne communiquant aucune nouvelle du front et n’adressant pas de mises en garde à la poignée d’excités qui, dans la presse ou sur internet, stigmatisent les Touaregs du Mali – dont le nombre est estimé à plus de 1 million. Il aura fallu des manifestations organisées par des familles de militaires et des actes de violence pour pousser le chef de l’État à s’adresser à la nation.

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Corps mutilés

Tout a commencé le 30 janvier, dans la ville garnison de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako. Alarmées par l’absence de nouvelles du front, ainsi que par les appels désespérés de quelques fuyards réfugiés dans les pays limitrophes (Niger et Mauritanie), des centaines de femmes de soldats ont battu le pavé, réclamant renforts et munitions pour leurs maris. Les photos de corps mutilés à Aguelhoc, qui circulent sur internet, ont avivé leurs craintes. Le dernier bilan officiel, du 19 janvier, faisait état d’une dizaine de morts dans les rangs de l’armée. Mais, selon des sources officieuses, il y en aurait au moins 116 dans la seule ville d’Aguelhoc.

Reçues les 2 et 3 février par ATT, les familles n’ont pas retrouvé leur sérénité. Au contraire, le mouvement d’humeur a pris de l’ampleur, attisé par ceux pour qui tous les « teints clairs » sont coupables. À Kati, la pharmacie et la clinique d’un Touareg ont été saccagées, tout comme la maison de Zakiatou Wallet Halatine, l’ancienne ministre de l’Artisanat et du Tourisme, une Touarègue de la région de Tombouctou. À Bamako, les manifestations ont tourné à l’émeute, ponctuées par les affrontements entre jeunes et forces de l’ordre. Des barricades ont été érigées aux abords de l’Assemblée nationale et sur le chemin du palais présidentiel, vite dégagées par la brigade antiémeute. Des véhicules ont été cassés sur le parking de la cité administrative et, dans un quartier populaire, l’épicerie d’un Mauritanien a été brûlée. Les Touaregs fuient Bamako. Les Mauritaniens, eux, se réfugient dans leur ambassade.

Pourparlers d’Alger

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Tous les regards se tournent désormais vers Alger, où des discussions ont débuté la semaine dernière entre le gouvernement malien, représenté par Soumeylou Boubèye Maïga, le ministre des Affaires étrangères, et une délégation touarègue menée par le député Hama Ag Bibi. Ancien porte-parole de la rébellion de 2006, l’Alliance démocratique du 23 mai pour le changement (créée par feu Ibrahim Ag Bahanga), Ag Bibi est rentré au pays en 2007 pour se faire élire député de la ville d’Abeïbara (région de Kidal) sous les couleurs de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), majoritaire à l’Assemblée.

S’il n’est plus membre de la rébellion, les autorités comptent sur son entregent pour entrer en contact avec un autre ex-leader de l’Alliance du 23 mai, Iyad Ag Ghaly. Ce dernier a raccroché son fusil, fondé un groupe salafiste et vit retiré dans les montagnes de Kidal, mais ce sont ses hommes qui ont soutenu l’offensive du MNLA à Aguelhoc. Le convaincre de sortir du jeu pourrait, espère Bamako, démotiver certains combattants. Ce n’est pas gagné : la rébellion a fait savoir qu’elle ne se sent concernée ni de près ni de loin par les pourparlers d’Alger.

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