Crise de l’eau : les pays africains doivent coopérer ou périr…
Alors que se déroule à New York, du 22 au 24 mars, la deuxième Conférence des Nations unies sur l’eau, il faut rappeler l’urgence d’une coopération transfrontalière pour pallier les difficultés d’accès à cette ressource.
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Serigne Mbaye Thiam
Ministre de l’Eau et de l’Assainissement au Sénégal
Publié le 23 mars 2023 Lecture : 4 minutes.
« L’humanité a un choix : coopérer ou périr. » Cet appel du Secrétaire général des Nations unies, António Guterres, en marge de la COP 27, reste d’actualité alors que se tient à New York la deuxième Conférence des Nations unies sur l’eau. À sept ans de l’échéance des Objectifs de développement durable (ODD), nous sommes encore loin du compte en ce qui concerne l’accès universel aux services d’eau et d’assainissement. Au niveau mondial, trois personnes sur dix n’ont toujours pas accès à l’eau potable, une ressource ô combien vitale !
En Afrique subsaharienne, on estime que près d’un demi-milliard de personnes font face à une pénurie d’eau au quotidien et plus de 700 millions de personnes n’ont pas accès à des installations sanitaires décentes. Conséquences : des centaines de millions de vies menacées par des maladies imputables au manque de services d’eau, d’assainissement et d’hygiène, ainsi que des secteurs économiques clés gravement affectés. C’est le cas de l’agriculture, de la pêche ou encore de l’exploitation minière. L’Afrique subsaharienne perd ainsi, chaque année, 5 % de son produit intérieur brut en raison du manque d’eau.
Bien commun
Et pourtant, la ressource existe. Que ce soit en eaux souterraines ou de surface, notre continent dispose d’importantes ressources partagées qui peuvent contribuer à répondre aux besoins présents et futurs de nos populations. Comme l’avait si bien rappelé le président Macky Sall lors du lancement de l’initiative Eau-Paix-Sécurité en 2015, ici à New York, « l’eau est source de vie et de bien-être lorsque son usage fait appel à l’esprit de coopération et de partage ».
Et le fleuve Sénégal, une ressource que la Guinée, le Mali, la Mauritanie et le Sénégal ont en commun, en est la parfaite illustration. En créant l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (OMVS) il y a plus de cinquante ans, nos pays avaient compris très tôt que la coopération est gage de paix, de cohésion sociale et de développement intégré pour nos peuples. La gestion concertée de ce patrimoine a joué un rôle considérable dans les progrès réalisés en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement ces dernières décennies dans nos pays.
Au Sénégal par exemple, la vision pour un mieux-être et une prospérité partagée – impulsée par le Plan Sénégal Émergent – a permis d’avoir un taux d’accès à l’eau estimé à 95,1 % en milieu rural et 98,8 % en milieu urbain en 2022 ; et un taux d’accès à l’assainissement de 89,8 % en milieu urbain et 59,7 % en milieu rural. Aujourd’hui plus que jamais, la coopération doit être notre arme au niveau national, régional et mondial pour faire face aux nombreux défis auxquels nous sommes confrontés pour satisfaire l’accès universel à l’eau et à l’assainissement.
Défis
Le manque des services d’eau et d’assainissement sûrs dans plusieurs régions du monde constitue une menace pour tous. Nous savons désormais que les crises sanitaires, mais aussi sécuritaires, migratoires et humanitaires, sont intimement liées à la sécurité de l’eau et de l’assainissement. Le stress hydrique, les inondations et les mouvements de populations induits par les changements climatiques accentuent les risques d’apparition des épidémies et menacent notre sécurité alimentaire. Plus grave, la rareté des financements durables des services d’eau et d’assainissement au niveau mondial et régional risque de compromettre les avancées réalisées jusqu’ici.
Dans un tel contexte, il est fondamental de rassembler nos efforts afin de combler le fossé entre les communautés, les États et les régions du monde en matière d’accès à l’eau et à l’assainissement. Pour cela, nous devons mettre en place des politiques conçues et menées sous le prisme de la coopération. Cela est aussi valable pour les enjeux d’hygiène et d’assainissement qu’on ne peut pas dissocier des problématiques d’eau et d’assainissement.
Le « Blue Deal »
À cet égard, la Déclaration de Dakar adoptée lors du neuvième Forum mondial de l’eau en mars 2022 et intitulée Un Blue Deal pour la sécurité de l’eau et de l’assainissement pour la paix et le développement a déjà posé les jalons. En insistant sur l’urgence de renforcer la coopération bilatérale et multilatérale, la Déclaration de Dakar relève – entre autres – l’importance de garantir le droit à l’eau et à l’assainissement à travers des mécanismes de financements publics et privés innovants.
Cette déclaration a, ainsi, posé les bases du Dialogue interactif n°4 sur « l’eau pour la coopération », que le Sénégal a eu l’honneur de co-présider avec la Confédération suisse lors de la conférence qui vient de s’achever à New York. Le Sénégal y a apporté la contribution et la position commune de l’Afrique en mettant en perspective le « Blue Deal » endossé par le comité exécutif du Conseil des ministres africains de l’eau (AMCOW). À cette occasion, le Sénégal a également souligné l’importance de la coopération transfrontalière et internationale dans le domaine de l’eau, de la coopération intersectorielle ainsi que la place de l’eau dans la réalisation des objectifs de développement durable.
C’est forts de cette coopération entre les gouvernements, la société civile, le secteur privé et autres acteurs de l’eau et de l’assainissement que nous pourrons faire face, ensemble, aux enjeux climatiques, économiques et sanitaires qui dépassent le cadre nos frontières respectives.
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