Thierry Lauriol : « Les États veulent de plus en plus avoir accès à la ressource minière »

Thierry Lauriol, avocat spécialiste des industries extractives, analyse les grandes évolutions de la législation du secteur minier. Malgré les tensions, autorités et concessionnaires peuvent, selon lui, trouver des intérêts communs.

Thierry Lauriol, président de l’Association Afrique du barreau de Paris. © Vincent Fournier/J.A.

Thierry Lauriol, président de l’Association Afrique du barreau de Paris. © Vincent Fournier/J.A.

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Publié le 13 février 2012 Lecture : 3 minutes.

Groupes miniers : l’émergence des cadres africains
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Groupes miniers : l’émergence des cadres africains

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Basé à Paris et Casablanca, le cabinet Jeantet Associés possède un département énergie, mines, infrastructure comprenant une dizaine d’avocats ; 20 % de ses activités concernent des dossiers d’arbitrage (essentiellement en Afrique, et au Proche et Moyen-Orient), 5 % à 10 % la rédaction de réglementations relatives aux secteurs des mines et de l’énergie (les opérations transactionnelles occupent le reste). Responsable du département, Thierry Lauriol, spécialiste du pétrole et des mines, est entré au cabinet Jeantet Associés en 1993.

Jeune Afrique : Quel est le climat dans le secteur minier ?

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Thierry Lauriol : Si ces dernières années les financiers couraient après les projets, la tendance actuelle est à un rééquilibrage. La crise mondiale est passée par là.

Est-il plus difficile de travailler en Afrique qu’ailleurs ?

Les codes miniers sont révisés beaucoup plus régulièrement sur le continent qu’ailleurs dans le monde. Si les conditions dans lesquelles un contrat a été signé survivent généralement aux changements législatifs et réglementaires, on note une volonté récurrente des États de renégocier les conditions contractuelles en fonction de l’évolution de la fortune des miniers qui se trouvent sur leur territoire.

Quel est le rapport des forces ?

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Nous avons constaté, un temps, des velléités de nationalisation, mais souvent l’exploitation ne survivait pas au départ de la société étrangère, faute de ressources financières et parfois technologiques. Aujourd’hui, l’ambition est d’augmenter la participation de l’État et des intérêts locaux. Nous avons l’exemple du code minier sénégalais – nous avons d’ailleurs participé à sa rédaction -, qui comporte une disposition permettant à l’État de négocier pour lui et le secteur privé national une participation au capital de la société d’exploitation, en sus des 10 % d’actions gratuites dont il dispose.

Autre tendance : les États veulent avoir accès à la ressource brute extraite et, de plus en plus, à la ressource transformée pour devenir des acteurs du marché mondial.

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Les sociétés minières ne profitent-elles pas de l’incertitude juridique pour obtenir des passe-droits ?

Il faut savoir que bien souvent les règles régionales prévalent sur les règles nationales ; c’est le cas dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA, NDLR), qui s’est dotée d’un code minier à valeur supranationale. Par ailleurs, au fur et à mesure que l’État acquiert de l’expérience, les textes s’améliorent, se développent et se complètent. Plus le secteur minier prend de l’importance dans un pays, plus ce dernier va contraindre l’exploitant et mieux il va encadrer ses contrats.

Un bon accord doit pouvoir anticiper les évolutions sur les vingt à trente années à venir.

Les exploitants sont accusés de piller les ressources, avec trop peu de contreparties…

Les sociétés minières participent pourtant à l’amélioration des codes, à l’encadrement des contrats ; elles proposent des projets de développement local auxquels les États n’auraient pas forcément pensé. Citons Madagascar, avec le projet de pôle intégré de croissance dans la région de Fort Dauphin (plus de 925 millions d’euros d’investissements) : l’État et le minier ont trouvé des intérêts convergents.

L’alternance politique n’est-elle pas, bien souvent, synonyme d’annulations de permis ?

Les conventions et les permis miniers ne sont pas systématiquement remis en question lorsqu’il y a une alternance.

Qu’est-ce qu’un bon accord ?

Un bon accord anticipe les évolutions. Les juristes doivent proposer un outil flexible, qui s’adapte sur les vingt à trente années à venir. Quant à la répartition des bénéfices, rappelons que les exploitants investissent souvent en pure perte. Il ne faut donc pas seulement regarder les mines qui génèrent des profits. Tout le monde doit s’y retrouver.

L’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) ou les ONG n’ont-elles pas obligé les sociétés à devenir plus responsables ?

La pression est plus forte aujourd’hui qu’avant. Le développement des normes internationales s’impose aux miniers. Globalement, l’approche locale des projets est meilleure que par le passé. Ceux-ci se fondent plus facilement et de façon plus pérenne dans la zone d’exploitation.

D’aucuns estiment que la corruption dans le secteur est une fatalité en Afrique. Qu’en pensez-vous ?

À deux reprises, nous avons été sollicités et avons décidé d’arrêter immédiatement nos interventions. La jurisprudence internationale sanctionne fermement de telles pratiques. On peut citer une sentence rendue sous l’égide du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (Cirdi) – nous défendions les intérêts de l’État du Burkina Faso – condamnant des comportements douteux au moment de la signature d’une convention. Je veux cependant souligner que la corruption n’est pas toujours initiée par la partie étatique et n’est pas l’apanage de l’Afrique.

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Propos recueillis par Michael Pauron

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