Corée du Nord : un Kim peut en cacher un autre
En exil à Macao, Kim Jong-nam, le demi-frère de Jong-un, le nouveau dirigeant nord-coréen, critique vertement le régime. S’y risquerait-il sans le soutien de la Chine ?
« Mon petit frère est inexpérimenté. Je me demande comment quelqu’un qui n’a eu que deux ans pour se préparer à son rôle pourra gouverner. » L’homme qui parle ainsi de Kim Jong-un, le nouveau leader de la Corée du Nord, n’est autre que son demi-frère, Kim Jong-nam (40 ans), issu de l’union longtemps tenue secrète entre Kim Jong-il, leur défunt père, et Song Hye-rim, une actrice de cinéma divorcée d’un écrivain sud-coréen.
« Kim Jong-un n’est qu’un symbole brandi par les élites, et j’ai de gros doutes quant à sa capacité à réformer. Sans réformes, l’économie s’effondrera. Mais les réformes et l’ouverture représentent aussi un danger pour le régime. » Le jugement est sans appel. Il est rapporté par un journaliste japonais dans un livre, publié le 20 janvier, basé sur la correspondance électronique échangée entre les deux hommes depuis 2004.
Il devait succéder à son père
Pressenti pour succéder à son père dès la fin des années 1990, Kim Jong-nam aurait été préparé aux plus hautes fonctions avant que son ascension ne soit brisée au lendemain de son arrestation au Japon, en 2001, alors qu’il était en possession de faux papiers. Une version que l’intéressé réfute en expliquant que son éloignement serait dû à un désaccord avec son père quant à la nécessité d’ouvrir le pays au marché et d’entreprendre des réformes économiques. Devenu indésirable, l’ex-futur héritier trop progressiste aurait alors fait profil bas en s’installant à Macao, où il aurait mené une vie aisée, « loin de toute considération politique ».
On peut toutefois s’interroger sur l’étrange trajectoire de cet homme brillant et polyglotte, éduqué de longues années durant à Genève et qui, en dépit de ses allures de dilettante sympathique, occupa autrefois des postes importants au sein de l’appareil d’État. En 2005, les États-Unis avaient d’ailleurs gelé 25 millions de dollars d’avoirs nord-coréens au Credit of Asia, une banque de Macao soupçonnée de blanchiment d’argent, provoquant le départ précipité de la communauté nord-coréenne. À l’exception de Kim Jong-nam, demeuré sur l’île avec ses deux fils et sa seconde compagne.
Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que l’aîné des Kim exprime publiquement son désaccord avec le régime nord-coréen. En 2011, il s’était déjà dit sceptique à l’idée d’une éventuelle succession dynastique : « Même Mao Zedong ne l’a pas fait », observait-il. Aujourd’hui, il la voit carrément comme « une farce ».
Tentatives d’assassinat
Une telle liberté de ton surprend. L’insolent rejeton aurait d’ailleurs échappé par deux fois, en 2004 et en 2009, à des tentatives d’assassinat déjouées de justesse par la sécurité chinoise. Pour critiquer son demi-frère avec un tel sentiment d’impunité, Kim Jong-nam doit se sentir bien sûr de ses appuis à Pékin – pour lequel il pourrait représenter un intéressant joker -, mais aussi à Pyongyang, où, en dépit de son pseudo-exil, il se serait rendu à plusieurs reprises, reprenant même des fonctions au sein du Parti des travailleurs. Il se targue d’ailleurs d’y avoir conservé de sérieux soutiens parmi les élites, et avant tout auprès de sa tante Kim Kyong-hui et de son mari, Chang Song-taek, les désormais puissants « régents ». Très proches de leur neveu pendant son enfance, ces derniers avaient été placés en résidence surveillée après que Washington et Séoul eurent pressenti Chang comme un éventuel leader d’ouverture. Leur retour en grâce ne leur a été proposé par Kim Jong-il qu’à la condition expresse qu’ils oublient Jong-nam, leur favori d’hier, et apportent un soutien inconditionnel à Jong-un.
Il reste cependant difficile aujourd’hui d’interpréter la soudaine exposition médiatique de Kim Jong-nam. Dépit ? Bluff ? Appel du pied aux élites de Pyongyang ? Les mois qui viennent diront si celui que Kim Jong-il considérait affectueusement comme son « petit capitaliste » n’était qu’un simple trublion…
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