États-Unis : l’investiture républicaine tourne au jeu de massacre
Trois primaires, et déjà trois vainqueurs. Les électeurs républicains ne sont pas pressés de désigner leur champion pour affronter Barack Obama lors de l’élection présidentielle américaine de novembre.
« Mitt Romney n’a rien compris. » C’est en ces termes que Chris Matthews, présentateur vedette de l’émission politique Hardball, sur la chaîne américaine MSNBC, a commenté les premières réactions du candidat à l’investiture républicaine après sa défaite en Caroline du Sud face à Newt Gingrich. Mais était-il en mesure de vraiment saisir le message brouillé des électeurs républicains, qui, en trois scrutins, ont donné la victoire à trois candidats différents ?
Rick Santorum s’est imposé dans l’Iowa le 3 janvier, Mitt Romney dans le New Hampshire une semaine plus tard, tandis que Newt Gingrich a laissé son principal adversaire à plus de douze points lors de la primaire du 21 janvier en Caroline du Sud.
Les républicains ne semblent donc pas pressés de choisir celui qui les représentera à la présidentielle du 6 novembre, comme s’ils voulaient tester les capacités d’adaptation de chacun d’entre eux. Romney en a fait les frais, et son crédit commence à s’éroder auprès d’un électorat qui souhaite voir émerger un candidat plus charismatique, défendant des positions plus tranchées. De ce point de vue, Gingrich paraît mieux armé. Son style tonitruant et ses formules à l’emporte-pièce font mouche auprès de tous ceux qui se sont sentis proches du mouvement Tea Party, tandis que son rival a montré ses limites au cours des débats qui les ont opposés. On comprend mieux pourquoi les commentateurs critiquent le manque de réalisme de Romney, qui paraissait pourtant le mieux préparé pour ce marathon électoral.
Quatre dates clés
Débutée le 3 janvier dans l’Iowa, la course à l’investiture républicaine s’achèvera le 26 juin dans l’Utah. Sur leurs agendas respectifs, les candidats ont naturellement coché quelques dates clés : la primaire de Floride, le 31 janvier ; le « super mardi » du 6 mars dans une dizaine d’États ; les primaires du 24 avril dans cinq États, dont New York et la Pennsylvanie ; et celles du 5 juin dans cinq autres, dont la Californie. Le candidat appelé à affronter Barack Obama en novembre sera officiellement désigné lors de la Convention nationale, du 27 au 29 août à Tampa Bay, en Floride.
Depuis sa défaite en Caroline du Sud, ce dernier multiplie les attaques ad hominem contre Gingrich, avec la volonté manifeste de déstabiliser l’ancien président de la Chambre des représentants, qui en a vu d’autres et ne se laisse pas impressionner. « Je ne pense pas que nous puissions reprendre la Maison Blanche si la personne qui mène notre parti est la même qui travaillait pour le lobbyiste en chef de Freddie Mac », le géant du financement immobilier en partie à l’origine de la crise des subprimes en 2007-2008, a-t-il déclaré dans l’espoir de raviver des souvenirs douloureux. « Je ne vais pas passer ma soirée à essayer de rejeter les fausses accusations du gouverneur Romney. Les Américains méritent un débat sur la manière de battre Barack Obama », lui a simplement rétorqué l’intéressé, dont la stratégie consiste à se poser en candidat antisystème.
Pour une bonne partie des électeurs républicains, il apparaît comme la meilleure alternative face au président, même s’il ne dispose ni des moyens financiers de Romney ni du soutien de l’establishment républicain. C’est justement son rejet du mode de fonctionnement classique et ses attaques contre les médias, qu’il accuse d’être à la solde de l’hôte de la Maison Blanche, qui lui ont permis d’engranger de précieux points chez les conservateurs et, surtout, de fragiliser la position dominante d’un Romney finalement jugé trop mou.
Les feuilles d’impôt de Romney
En quête d’un leader, la frange la plus radicale du Parti républicain a donc trouvé en Gingrich un homme providentiel. « Ma victoire est celle des Américains qui pensent que les élites de Washington et de New York ne se préoccupent pas d’eux et, en fin de compte, ne les représentent pas du tout », a-t-il lancé après son succès en Caroline du Sud.
Romney se retrouve sur la défensive et en difficulté. Sa fortune, sur laquelle il peut s’appuyer pour mener sa campagne, est devenue bien embarrassante depuis qu’il a rendu publiques ses feuilles d’imposition. Ce ne sont pas ses quelque 42 millions de dollars de revenus en 2010 et 2011 qui posent problème, mais le faible taux d’imposition dont il bénéficie. Ses revenus sont essentiellement fondés sur le capital, moins imposé que le travail, ce qui apporte de l’eau au moulin de Gingrich.
Reste à savoir si ce dernier sera en mesure de rassembler les électeurs sur le long terme. Il a beau avoir obtenu le soutien de Chuck Norris, l’ancien karatéka et vedette de la série Walker, Texas Ranger, cela ne suffira sans doute pas pour obtenir à la fois l’investiture et la victoire face à Obama.
Celui-ci se frotte les mains, car les électeurs républicains, en assurant le succès de Gingrich en Caroline du Sud, sont parvenus à décontenancer son adversaire le plus redoutable. Le capital confiance du candidat Romney est entamé, alors que ces primaires s’annonçaient comme une simple promenade de santé pour l’ancien gouverneur du Massachusetts. Il a donc tout intérêt à tirer les leçons de ses premiers revers, faute de quoi les prochains rendez-vous pourraient confirmer qu’il n’a vraiment rien compris.
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